8 Août 1914 : les Premiers Pères Fondateurs de la Nation Camerounaise par Hiram Samuel Iyodi

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8 Août 1914 : Il y a 100 ans, les Premiers Pères Fondateurs de la Nation Camerounaise. Je me souviens !

Si au détour d’une conversation, vous demandez à un camerounais âgé de moins de 35 ans, ce que lui évoque la date du 08 Août 1914, vous avez peu de chance de recevoir la réponse qui sied à la symbolique du JOUR. Les plus éveillés, ayant gardé une bref souvenir de leurs cours d’Histoire de fin de cycle primaire, invoqueront les exécutions de Rudolph Douala Manga Bell et de Martin Paul Samba. Seulement, peu nombre d’entre eux seraient en mesure de situer le contexte dans lequel ils ont mené leurs actions et les raisons de leurs exécutions respectives.

Outre le taux de croissance économique, l’indice de développement humain, le pourcentage de la classe moyenne ou le taux de scolarisation, nous pensons que la grandeur d’une Nation se mesure également au type d’Hommes et de Femmes qu’elle célèbre et qu’elle honore. Aux Etats-Unis, Le Patriots’Day, célébré le troisième lundi du mois d’Avril, commémore les batailles de Lexington et Conrod (19 Avril 1775), premiers engagements militaires de la guerre d’indépendance de la Nation américaine. Le 04 Juillet de chaque année, les américains célèbrent à travers leur fête nationale, la signature de la déclaration d’indépendance, des mains de 5 des pères Fondateurs : John Adams – Roger Sherman –  Benjamin Franklin – Robert Livingston et Thomas Jefferson. Ensemble, ils se souviennent de ce jour de 1776 où les treize colonies britanniques d’Amérique du Nord ont fait sécession du Royaume Uni, proclamant ainsi leur inaliénable liberté.

Au Cameroun, la fête nationale est célébrée le 20 Mai. Elle fait référence au 20 Mai 1972, jour où les Camerounais des deux bords (Cameroun Francophone et Cameroun Anglophone) ont décidé de former un Etat Unitaire : Une Nation – Communauté de Passé, Communauté de Destin. Tout en reconnaissant la portée du message transmis à travers cette célébration,  soulignons toutefois qu’aucune mention n’est faite des noms de ceux qui ont participé à cette construction : en luttant pour l’indépendance, mais aussi, en résistant au non-respect des clauses du Traité de Berlin par les colons allemands.  Comment pouvons-nous dès lors aspirer à bâtir une Nation sans Histoire, sans repères et sans mémoire collective ?

Sans reléguer au second plan les sacrifices d’Adolf Ngosso Din, Henri Madola, Edande Mbita et tous les autres, permettons-nous de marquer un point d’arrêt sur l’histoire de Rudolph Douala Manga Bell et de Martin Paul Samba.

 

Rudolph Douala Manga Bell[1] Manga Bell

Rudolph Douala Manga Bell est un descendant de la dynastie des Bell fondée en 1792. Après avoir achevé ses études primaires et une partie de son secondaire à Douala, il est envoyé en Allemagne en 1891 pour apprendre le droit à l’université de Bonn. Il retourne au Cameroun en 1896 et est intronisé chef supérieur du Clan Bell à la mort de son père en 1908. Ce clan regroupe tous les habitants du plateau Joss.

En 1910, Le roi des Bell va s’opposer au plan d’urbanisation du gouverneur allemand Théodore Seitz. Il qualifie ce programme d’apartheid. Le plan d’urbanisation consiste à exproprier les Douala de leur lieu d’habitation traditionnel, afin de transformer la zone en ville européenne et de créer de nouveaux lotissements à l’arrière-pays pour les autochtones. Malgré ses protestations, en 1913, les habitants du plateau Joss sont notifiés de leur expropriation par décret. Douala Manga Bell fait alors savoir aux allemands que le traité de 1884 ne prévoit pas l’expropriation des terres des autochtones. La tension s’accroit, et le 4 août 1913, Douala Manga Bell est relevé de sa fonction de chef supérieur. Il ne renonce pas. En 1914, à la suite de nombreuses pétitions envoyées en Allemagne, il y dépêche son secrétaire Ngosso Din dans le but de susciter un mouvement de solidarité en faveur des populations autochtones. A la même période, il entre en contact avec d’autres chefs locaux, notamment ceux de Yabassi, Yaoundé, Dschang, Ngaoundéré, Baham etc. pour leur demander leur appui dans le conflit qui l’oppose aux autorités coloniales.

Informé du contact pris par Douala Manga Bell avec les autres chefs supérieurs, le secrétaire d’État aux colonies, Mr Solf, ordonne son arrestation le 10 Mai 1914 sous le motif de haute trahison. Après une instruction rapide, Douala Manga Bell et Ngosso Din sont jugés, condamnés à mort puis exécutés par pendaison le 08 Août 1914.

 

Martin Paul Samba[2]MP Samba

Martin Paul Samba est né en 1874 non loin d’Ebolowa. A l’arrivée des explorateurs allemands, le lieutenant Kund le choisit comme guide et il est par la suite envoyé en Allemagne en 1891 pour suivre une formation militaire. Aux termes de ses études, il rentre au Cameroun en 1895 avec le grade de capitaine dans l’armée allemande. En 1902, il démissionne de l’armée et se consacre à la gestion de ses affaires personnelles dans la région d’Ebolowa. Son admiration pour l’administration et l’armée allemande va se transformer en haine, au regard du traitement que celle-ci réserve aux populations locales. En 1912, il entre en contact avec Rudolph Douala Manga Bell et monte une révolte en pays Bulu. Lors de la déclaration de guerre entre l’Allemagne et la France, Martin Paul Samba cherche à entrer en contact avec les troupes françaises basées à Brazzaville au Congo, ainsi qu’avec les Anglais installés au Nigéria. Il souhaite obtenir de  ceux-ci un approvisionnement en armes pour sa milice. Un de ses courriers est intercepté par un officier allemand.  Il est arrêté puis accusé de haute trahison le 1er août 1914. Il est exécuté le 08 août 1914 à Ebolowa, avec ses compagnons Henri Madola et Edande Mbita.

Ernest Ouandié, un autre père fondateur de la nation camerounaise, nous rappelle dans ces derniers propos, que le sang versé par les patriotes est une semence du nationalisme. Reconnaissant le changement de contexte du combat des camerounais entre 1910, puis 1960 et enfin 2010, célébrer les héros reviendrait aujourd’hui à faire germer le sens du patriotisme en tout camerounais, afin que chacun d’entre nous soit habilité à incarner un leader serviable et responsable pour la nation.

C’est dans cette optique de construction d’une mémoire collective que nous proposons à tous les camerounais, principalement ceux de notre génération (15-35 ans), d’étudier tous ensemble la possibilité de soumettre à nos élus (députés et sénateurs), une proposition d’adoption d’une journée nationale de commémoration des héros nationaux et des pères fondateurs : Le 08 Août.

Le 08 Août de chaque année sera alors l’occasion pour tous les camerounais : d’apprendre l’histoire d’Um Nyobe, d’honorer la mémoire d’Ernest Ouandié, de célébrer Douala Manga Bell, mais aussi de se souvenir du rôle joué par le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya, le Premier Ministre John Ngu Foncha ou encore le Président Ahmadou Ahidjo pour l’aboutissement du processus de réunification de notre pays. Plus qu’une journée nationale de célébration, donnons à nos universités, nos musées, nos principaux lieux publics (routes, parcs publics, bâtiments …) les noms de ces héros, afin que leurs légendes continuent d’inspirer et de sublimer.

Le Cameroun émergent que nous ambitionnons de léguer à nos progénitures, plus loin que l’atteinte des OMD, commande la naissance de nouveaux leaders. Des leaders conscients de leur histoire, amoureux de leur Patrie et soucieux du devenir des leurs. Il nous faut donc plus que construire des autoroutes, des barrages et des grattes ciels : Bâtir l’Homme. Il faut donner à chaque citoyen camerounais, l’envie de participer à l’édification de notre destin commun. La transmission de cette vocation passe par l’apprentissage de l’histoire de ceux-là qui, tout au long de leur vie, se sont battus pour la vulgarisation de la conscience nationale : Les Pères Fondateurs et les Patriotes-Bâtisseurs.

Connaitre nos Héros et nos Patriotes d’hier, permet de consolider ceux d’aujourd’hui pour mieux faire émerger ceux de demain.

Hommage soit rendu à  Rudolph Douala Manga Bell, Adolph Ngosso Din, Martin Paul Samba, Henri Madola, Edande Mbita … Il y a 100 ans : JE ME SOUVIENS !

[1] Page 44, Mes Rêves de Jeunes – Le Cameroun des 50 prochaines années, Hiram Samuel IYODI, Editions Véritas

[2] Page 46, Mes Rêves de Jeunes – Le Cameroun des 50 prochaines années, Hiram Samuel IYODI, Editions Véritas


Cet article a été rédigé par Hiram Samuel IYODI.

Bio de Samuel : Auteur – « Mes Rêves de Jeune … Le Cameroun pour les 50 prochaines années ». Président – Synergie de la Jeunesse Camerounaise.

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Twitter : https://twitter.com/SJC_Synergie