Olivier Kissita, dont on avait brièvement parlé dans un précédent papier d’AFKL, fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs pleins d’idées et ultra-débrouillards qui envahissent la toile avec des moyens techniques très limités.
Déambulant sur l’asphalte avec une bande de potes, Olivier Kissita le réalisateur/acteur s’approprie avec toupet le décor urbain en le transformant en fête foraine pour grands enfants, et puise dans cette source d’inspiration incandescente qu’est la réalité pour donner du réalisme à sa caméra.
Ses premiers « releases » ont réussi à se faire une petite place dans l’immense vitrine du web, ou depuis le temps, le quatrième mur (celui du téléspectateur) a explosé en vol (le tsunami Bref n’y est pas pour rien). Jouant habilement (bien que le genre soit devenu mainstream) sur une promiscuité avec le spectateur et une désacralisation des personnages, en narrant la normalité de leur vie, le réal parvient à déclencher l’hilarité du public qui se reconnaît forcément dans les situations énoncées.
Armé d’un sécateur géant, il se plait à décortiquer les petites peurs inhérentes à l’espèce humaine avec une intimité insolente, découpant au passage les chaines de la bienséance et ses tabous.
La série Nous en vrai est un parfait exemple d’amuse-bouche caustique :
Au-delà de la mise en scène-même, la patte du jeune réalisateur se distingue par l’audace et l’ingéniosité distillée dans les scénarios pour faire passer des messages autrement plus graves, comme le twist de ce lien suivant :
La vidéo suivante nous immerge dans deux visions fantasmées d’un monde tantôt dystopique, tantôt, utopique, avec un abrupt retour à la réalité revêtant la forme d’un spot de pub pro-RATP. Ce procédé vicieux nous interroge d’avantage sur les relations entre voyageurs des grandes villes.
Tournés comme des gros délires potaches que l’on se fait entre potes, on se laisse subtilement embarquer sur le navire sans pour autant piger les nombreuses private jokes disséminées deçà-delà. Mais ça c’était avant…
Un premier huis clos anxiogène. Le glas est sonné d’entrée. Puis c’est le récit d’une vie, d’une famille qui défile, et s’assemble dans le désordre par petits monceaux comme un puzzle bien ficelé. La péloche déroule et les mirettes sont visées à l’écran. Le court métrage 10 Years est un véritable jeu de piste émotionnel nous prenant incessamment par surprise, d’effroi, d’angoisse, de dégoût, d’aversion puis de soulagement.
Truffé de fausses-pistes, l’intrigue prend aux tripes, saisit les nerfs du spectateur pour mieux les entortiller, et mélange magistralement scènes introspectives et faits relatés au sein d’une bulle d’espace-temps qui s’étire et se compresse sans éclater.
Les différents tableaux à l’esthétique somptueuse, rendent encore plus insoutenables et poignantes les scènes à l’intensité exacerbée par les thématiques familiales, sentimentales et sociales qui ne sont en réalité que serfs au service d’un seul maitre: l’histoire. Une œuvre sérieuse pour des ambitions à la hauteur du talent de ce jeune réal.