Jeune étudiant camerounais que je suis au Canada, baignant dans un multiculturalisme béant, bon nombre de jeunes afro se demandent, qu’en est-il réellement (d’un point de vue rationnel) de cette Afrique Moderne qui nous est chère?
Quelle vision chaque Africain de la diaspora se prévaut d’apporter à ce continent tant décrié jadis par nous même enfants issus de l’immigration, qui aujourd’hui tentons tant bien que mal a nous s’approprier ce dont nous avons fui pendant des années? Cependant, avant de se poser ces questions et d’être dans une démarche futuriste, il est d’abord question de savoir par quoi sommes-nous entourés. Et en quoi aspirons-nous dans cette mondialisation dans le monde « moderne »?
Au sortir des années 1980, nous avons connu une grande crise humanitaire et structurelle sans précédent. Les famines ont dépossédé l’Afrique de ses moyens humains afin d’être dans la course au développement et ont compromis l’épanouissement des États africain en entrant dans l’ère postmoderne.
Selon Battistella, l’idée que la politique internationale se déroule en état d’anarchie, en l’absence d’autorité centrale, est partagée par l’ensemble des internationalistes; décrivant la manière dont la société postmoderne est passée du local au global, des philosophes comme Kenneth Waltz ou Michel Serres mettent l’accent sur ce qu’ils appellent les « objets monde ». Nous entendons par objets-monde, des outils dont l’une des dimensions est commensurable à l’une des dimensions du monde. Un satellite pour la vitesse, une bombe atomique pour l’énergie, Internet pour l’espace du monde, les résidus nucléaires pour le temps.
Voilà quatre exemples d’objets-monde indispensables au continent africain pour faire partie de la communauté internationale. Mais la société postmoderne n’a pas seulement donné naissance à des objets-monde. Elle crée des risques-monde qui doivent mettre ces États en position de défense, car il est important pour tout un chacun de sauvegarder ses acquis et ses spécificités. Toutefois, indépendamment d’un pays comme la Corée du Nord, ces risques affectent également l’environnement et la biosphère qui sont pour nous des éléments clefs de notre survie alimentaire. Les menacer n’est pas sans risque de conséquences graves pour le monde entier. Le philosophe Michel Serres nous met en garde : « Nous dépendons nous-mêmes désormais de choses qui dépendent des actes que nous entreprenons. Notre survie dépend du monde que nous créons au moyen de techniques dont les éléments dépendent de nos décisions. »
Il appelle en conséquence à un retour au « contrat naturel » avec l’idée clé « qu’à la maîtrise du monde, doit succéder aujourd’hui, la maîtrise de la maîtrise de ce que nous créons ». Notre responsabilité vis-à-vis du monde présent comme à l’égard des générations futures découle de cette prise de conscience de l’ambiguïté des techniques qui servent à l’essor de la société postmoderne.
Or, la philosophie occidentale, en termes de politique internationale, ne calcule jamais le coût du savoir ou de l’action. Elle les préjuge gratuitement. Cependant, lorsqu’il est question du fonctionnement de nos objets-monde, les coûts deviennent commensurables à une dimension du monde. Par exemple, aux déchets locaux, négligeables, succède une pollution globale et mondiale, non négligeable.
C’est la raison pour laquelle nous devons reconsidérer les outils institutionnels, droit et concepts philosophiques qui nous aident à faire face à cette nouvelle échelle des réalités.
L’ambiguïté sur le préalable à avoir pour l’obtention d’une arme nucléaire ne se circonscrit cependant pas à la dimension globale de ces prés requis et à la nouvelle relation qui en découle entre l’homme et la nature des concepts. Elle est aussi le résultat de la rationalité humaine et du réalisme dans les relations internationales. Depuis les massacres ethniques entre Hutu et Tutsi au Rwanda, nous savons, en effet, que, combinée à l’idéologie raciste ou tribale et mise en œuvre par une bureaucratie sans faille, la rationalité peut engendrer une industrie d’extermination de masse comme fut aussi le cas à Nagasaki et a Hiroshima en 1945. Toutefois, une différence majeure distingue aujourd’hui notre capacité de destruction massive. Elle peut aussi être liée à une volonté de bien agir comme produire de l’électricité, générer de nouveaux moyens de transport, fournir de façon industrielle des aliments au plus grand nombre.
Mais vu que nous continuons de souffrir de terribles désastres, nous sommes souvent dans l’impossibilité de parler de ce qui arrive. C’est précisément véridique lorsque ces souffrances ont une cause humaine. Le professeur Jean-Pierre Dupuy, président du comité d’éthique et de déontologie de l’autorité de sûreté nucléaire, nous rappelle les mots du philosophe Gunther Anders parlant des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki : « La constance qu’ils mettent à ne pas parler des coupables, à taire que l’évènement a été causé par les hommes, c’en est trop pour moi » et d’ajouter : « de la catastrophe, ils parlent constamment comme d’un tremblement de terre, comme d’un astéroïde ou d’un Tsunami ». On observe la même chose avec le mot « Shoah » qui signifie non pas génocide, mais « catastrophe naturelle » en hébreu.
Il semble alors pour l’Afrique que deux catastrophes nucléaires majeures en 25 ans, cela devrait nous ouvrir les yeux. Selon Bwemba Bong « il y a que les supports qui changent, mais l’homme n’évolue pas »; indépendamment des Africains, ceci touche l’humanité entière qui à mon sens est l’unique communauté légitime.
Cet article a été rédigé par Jean-Joseph Agoua du blog jeanjosephagoua
Bio de Jean-Joseph : Responsable du think tank Générations Horizons. Journaliste Pigiste pour le Bouquet Africa. Jeune homme dans la vingtaine en quête de vérités! Mes écrits n’engagent que ma personne.
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