Black Movies Entertainment est une association qui organise à Paris le festival «Black Movies Summer» l’un des premiers festival consacré aux oeuvres cinématographique d’artistes Noirs à Paris.
Pour sa 4 ème édition le festival avait pour thème «la femme noire». Du 6 au 28 juillet dernier des rencontres, des ateliers et des projections ont rythmés l’été des amoureux du cinéma Afro. Le Festival Black Movies Summer s’efforce de dénicher des longs métrages qui incarnent un cinéma différent et alternatif, par des films qui nourrissent et qui marquent. Nous avons rencontré Cynthia Bazakana, présidente de l’association, Magali Mbianda, attaché de presse, et Simone Mivengue, community manager, pour en savoir plus.
D’où vous est venue l’idée de BlackMovie Entertainement ?
L’idée de création de l’association Black Movies Entertainment est venue de la vision et de l’observation que nous avons du cinéma en France, nous avons tous connu cette époque où il y avait de l’espace pour des films comme Menace 2 Society, Boyz In The Hood ou encore sang noir ou le prix à payer dont Simone conserve précieusement les K7 même si elle n’a plus de lecteur VHS.
Alors, nous essayons de rendre ce cinéma accessible à un large public et surtout à cette nouvelle génération, afin qu’il ne reste pas entre nous, car les belles choses doivent être montrées. Nous sommes réellement déterminées et motivées, nous savons que rien ne se fera tout seul. Chacune de nous, croyions sincèrement à ce projet et nous ne lâcherons rien pour que celui-ci aille super loin.
Black Movies Entertainment, c’est le prolongement que les choses ne peuvent pas être enfouites et nous sommes là pour leur donner ce coup de pouce nécessaire à leur existence et pour que le public aille à la rencontre de ce cinéma afro-descendant.
Parlez-nous un peu de vos parcours respectifs, vos formations, vos origines ?
Cynthia : J’ai 23 ans, j’ai grandi et je vis dans le 91. Au niveau de mon parcours, j’ai étudié la photographie, le théâtre et les langues.
Magali : J’ai grandi dans le 20ème arrondissement de Paris, tout près du marché de Montreuil, mais je suis originaire de Bangangté un village de l’Ouest Cameroun. Mon premier contact avec la pratique du cinéma, s’est fait lors de ma licence en Information-Communication. J’ai eu des cours d’esthétique de la communication, en particulier du cinéma, réalisation de storyboard et de courts métrages… A petite dose bien sûr (rires). J’ai d’ailleurs rencontré Cynthia, la présidente de l’association sur le tournage d’un court-métrage. Le cinéma m’a rattrapé vu que j’effectue mon stage de fin d’études en marketing&partenariat pour Première !!
Simone : Je suis diplômée en communication et j’ai commencé avec une bande d’amis en créant le 1er magazine gratuit sur le rythm and blues, plus généralement sur les musiques noires, j’interviens au sein de l’émission Midnightlove pour laquelle je raconte l’histoire de la musique afro-américaine.
Comment s’est déroulé votre dernier festival ?
Magali : Le dernier festival s’est très bien passé. Il était question d’une rétrospective du cinéma afro-américain, des Race Movies moins connus du public, aux films afro-américains d’aujourd’hui comme ceux de Tyler Perry par exemple. Nous avons eu de bons retours notamment sur le choix des intervenants : François Durpaire, Anne Crémeux, Bams, Malouda… Il y a vraiment eu un échange et un partage d’idées. Et le public a apprécié nos petits plats et bissap faits maison 🙂
Simone : Le festival était super, je garde en mémoire ce couple mixte lors de la soirée au Bric à Brac Bar. Ils sont restés jusqu’à la fin de la projection du film de Paul Robeson « Song of Freedom (1936) ». A la fin, ils nous ont chaleureusement remercié, car ils n’avaient jamais vu ce film. Ils nous ont vivement encouragé à continuer. Ce qui nous plaît réellement, est de recevoir des personnes de toutes origines. C’est la magie du cinéma et c’est pour cette raison que je dis que c’est super.
Quels sont les bons coups dont vous êtes les plus fières ?
Nous mettons un soin tout particulier à faire une programmation de qualité, donc nous sommes fières de tous les coups. L’idée n’est pas de faire de bons coups, mais de rendre le festival accessible à tous. Nous essayions de toucher du doigt des points importants, pour permettre une identification.
Y’a t’il des événements qui vous servent de modèles ?
On ne peut pas à proprement parler de se référer à un modèle, car Black Movie Summer c’est l’idée d’ouverture qui ne peut être enfermée dans un modèle. On essaie de mettre en place à chaque édition une thématique, pour toujours en garder quelque chose.
À quoi s’attendre pour le prochain festival ?
Beaucoup de rebondissements.
Quelle place y sera accordée au cinéma africain par exemple ? Ne pensez-vous pas que les afropéens auraient plus avantage à regarder du côté de Nollywood plutôt que Hollywood ?
Une grande place le cinéma africain l’a déjà, et Nollywood est une émanation de ça. C’est juste le modèle économique qui fait que Nollywood a pris une telle importance, le phénomène est bien plus présent en Angleterre aux USA et en Allemagne par exemple, en France on se réveille tout juste. Le cinéma africain souffre de visibilité parce que le rayonnement culturel de l’Afrique dans l’ensemble n’est plus une priorité, il est très peu diffusé dans les salles obscures et notre festival ne sert pas uniquement à accorder une place à tel ou tel cinéma, dans ce cas quelle place accorder au cinéma afro-brésilien ?
L’idée est d’aller plus loin et de faire un travail plus profond via notre site tout au long de l’année. Le film GriGris réalisé par Mahamat Saleh Haroun qui est sorti 10 juillet 2013 était en compétition officielle à Cannes, mais pas une seule image n’a été montrée par Canal+, diffuseur officiel du festival. Ne serait-ce que pour voir les images de la montée des marches, il fallait regarder sur le web. Notre travail est aussi là pour montrer et parler de ce cinéma qu’on voit peu. Il ne suffit pas d’accorder une grande place pendant les festivals et de tourner le dos, vous ne trompez personne, sauf vous-même. Le cinéma africain va sincèrement finir par s’installer et c’est une action à mener au quotidien.
Il n’y a pas que le film dans la vie (rires) ! En terme de courts-métrages, documentaires, ou films d’animation que pensez-vous du ciné Afro ?
Simone : Justement le court-métrage est le commencement d’une chose appelée à se prolonger vers le film et il m’est arrivé d’en voir plein et je recommande d’ailleurs “Hasaki Ya Suda-Les Sabres” de Cédric Ido et “Mwansa the Great”, de Rungano Nyoni que j’ai vu au cinéma. Et comme les films, ils ont besoin du soutien de tous pour être connus.
Éprouvez-vous des difficultés en terme d’organisation ? Comment les surmontez-vous ?
Cynthia : Oui, il y a toujours des difficultés, mais il ne faut pas s’arrêter dessus. Il faut sauter les obstacles et prendre le dessus. Votre projet ne peut rester à l’état de rêve, il faut dont se motiver entre nous et se donner la main pour agir ensemble, l’union fait la force et permet de faire face en cas de problème. Je ne crois pas personnellement à la multiplication des projets, car c’est de la perte de temps et d’énergie, cela vous isole en cas de difficultés.
Vous faites beaucoup pour la promotion du cinéma africain, parlez-nous des activités qui se déroulent entre deux festivals ?
Entre le festival, on prépare les projets futurs, on n’a pas le temps de chômer. Il y a beaucoup à faire, et on fait un travail journalistique sur l’actualité du cinéma pour permettre à nos 17500 followers (chiffres en constante augmentation) de découvrir l’histoire du cinéma, mais aussi la nouvelle génération du cinéma afro-descendant avec des actrices comme Quvenzhané Wallis, 9 ans, qui a concouru cette année pour l’Oscar de la meilleure actrice. Nous étions les seules en France, en mai 2012 a parié sur sa nomination aux Oscars. Et à parler de Rachel Mwanza, qui a reçu de nombreux prix d’interprétation dont l’Ours d’argent, de la meilleure actrice (pour le film Rebelle, de Kim Nguyen), mais également à faire découvrir le réalisateur, Ryan Coogler pour son premier long-métrage “Fruitvale Station” récompensé au festival Sundance. Du travail, il y en a encore beaucoup et on ne peut pas s’arrêter. On est en perpétuel mouvement pour dénicher les choses intéressantes, bien plus encore pour 2014. On n’achète pas son billet le jour du départ, alors il faut y penser longtemps à l’avance et c’est pareil pour notre activité les orientations ne se décident pas à la dernière minute.
Depuis peu, on essaie de créer d’autres concepts pas forcément estivaux autour du cinéma afro. Nous avons créé “The Black Box”. Le concept est simple : le temps d’une soirée, revisiter des séries emblématiques (Prince de Bel Air, Moesha, Martin, The Steve Harvey Show, tout le monde déteste Chris…), partager des rires en passant un bon moment.
Nous avons également mis en place notre propre ciné-club, le BME-Club. Il s’adresse aux passionnés de cinéma ! Il permet aussi aux adhérents de participer à des événement et de profiter d’avantages. “From Eslewhere To Paris” est le premier événement mis en place en place par BME-Club. C’est la projection de films indépendants de cinéastes venus d’ici et d’ailleurs. L’activité reprendra à la rentrée.
Nous préparons de nombreuses activités pour nos adhérents pour la rentrée 2013, donc inscrivez-vous à notre newsletters sur le site .
D’ailleurs comment peut-on supporter l’organisation ?
En étant bénévole au sein de notre association pour l’aider à grandir.
Qu’est-ce qui vous inspire dans le cinéma Afro ?
Simone : Ce qui m’inspire c’est la manière dont le scénario est écrit en tenant compte du vécu des personnes, de leur histoire, mais aussi de la vision du monde.
Magali : Le cinéma comme tout art est “inspirant”, que ce soit les répliques, l’atmosphère, les jeux de lumière, le stylisme, tout peut m’inspirer. Pour le cinéma afro, on va dire que certains films me parlent plus que les films qui sont à l’affiche en France. Le franc parler, les proverbes, etc.
Cynthia : Ce qui m’inspire… Beaucoup de choses. C’est l’univers improbable qui transmet le cinéma, un peu comme dans les films de Tarantino. De base, je suis une grande cinéphile et une grande fanatique de film de la Blaxploitation depuis trois ans. Bizarrement, je n’ai pas grandi en regardant les films de la Blaxploitation, mais c’est très vite devenu une fascination pour moi. Un décor, une ambiance, un discours, un comportement, que je retrouve dès lors que je regarde un film afro. C’est ça qui est fascinant.
Si on devait avoir 3 films afro dans notre DVDtèque ou BlueRaytèque (rires) ce serait lesquels ?
Cynthia : Mais, c’est un nid à pièges cette interview! C’est super dur, mais je dirais Cotton Comes To Harlem, Antwon Fisher, Bal Poussier (rires).
Simone : Je donne 3 noms mais il y en a bien plus que ça, c’est juste pour rester dans l’exercice. Jason Lyric, Sometimes In April, Malcom X.
Magali : Je vais dire 3 films qui ne sont pas tellement des films afro… : LA HAINE, de Mathieu Kassovitch, je peux revoir ce film des centaines de fois, sans m’en lasser !! THE ROOTS, d’ALEX HALEY, c’est pédagogique, tous le monde devrait l’avoir dans sa bibliothèque et TWO CAN PLAY THAT GAME, c’est une bonne comédie romantique sympathique… Et non je n’ai pas encore de film africain en dehors de Bal Poussière, Moolaadé et VIVA RIVA, mais j’y travaille !!
D’ailleurs quels sont les films afro que vous attendez ces deux prochaines années ?
Cynthia : Le dernier Spike Lee qui ne sortira malheureusement pas en France : Red Hook Summer, Best Man 2 et Fruitvale Station
Simone : Je choisis les films qui ne sortiront malheureusement pas en France : Yellow Half Sun, Fruitval Station, Oversification Beauty (prévu dans la programmation du ciné-club…) , Four, Ma’George.
Etre un acteur noir en France, ça rend les choses plus difficiles ? Encore en 2013 ?
Il faut prendre plus d’initiatives et chercher à se faire sa place encore plus quand on est un acteur noir, mais pas seulement en France. Les gens attendent des acteurs noirs qu’ils soient d’éternelles victimes. C’est dommage. L’acteur ne peut se définir en terme d’appartenance à une communauté noire, le cinéma est universel.
Idris Elba et Omar Sy ont affirmé ‘ne pas être des acteurs noirs mais des acteurs tout court’. Que pensez-vous de ces déclarations ?
C’est vrai. La preuve en est lorsque le réalisateur Bryan Singer annonce sur Twitter l’arrivée d’Omar Sy dans X-Men, idem Idris Elba avec Pacific Rim de Guillermo Del Toro. C’est vraiment ce qu’ils dégagent en tant que comédien.
Des conseils pour les jeunes acteurs, réalisateurs et producteurs qui se lancent dans le milieu ?
D’être audacieux et curieux et avoir des priorités. Nous leur conseillons d’entrer par la fenêtre s’ils ne peuvent pas entrer par la porte et de ne rien se refuser parce qu’on va toujours tout leur refuser. Rien ne se donne, les choses se conquièrent alors il faut aller à leur conquête pour exister par soi-même et non attendre un improbable coup du destin qui risque de ne jamais se produire. C’est le talent qui fait que les Denzel Washington, les Forest Whitetaker, les Don Cheadle, les Viola Davis seront toujours en haut de l’affiche. La force est en chacun d’entre nous, il faut croire beaucoup en soi pour l’exprimer en temps voulu. Il ne faut jamais s’arrêter sur ces échecs, il faut toujours trouver les voies et les moyens de s’améliorer et toujours donner le meilleur de soi.
Quels sont les acteurs afro de la relève ?
Simone : Rachel Mwanza, Nate Parker, Michael B Jordan, Quvenzhané Wallis.
Cynthia : Yann Ebongé, Mabô Kouyaté, Rachel Mwanza
De quoi a le plus besoin le cinéma afro en France ?
De crédibilité et de visibilité.
Ok, rêvons un peu, je vous donne carte blanche pour réaliser un film afro en France, quelles seraient les acteurs et la trame ?
Cynthia: (rires) L’interview de la mort! Je prend comme acteur Eriq Ebouaney, d’office (c’est mon Denzel Washington, français) ! Cet acteur a un charisme de fou. Il aura le rôle du Président de la République. Il aura pour mission la sauvegarde de la race humaine, car une armée de zombie néerlandais aura attaqué la terre… (non sérieusement, j’en sais rien).
Magali : J’ai une idée de manga afro avec des lutteurs sénégalais… J’en dis un peu trop, c’est une idée que j’ai en tête depuis un moment, on ne sait jamais je peux réaliser ce manga un jour. Pour le film j’imagine bien un film sur un cartel de Feman camerounais, un thriller à la Ocean Eleven.. L’un d’entre eux souhaiterait reprendre une vie normale, mais ses potes lui proposeraient un dernier coup… Un truc dans le genre.
Simone : Je donne sa chance à un jeune acteur débutant pour me faire voyager dans le monde imaginaire de la forêt vierge africaine et faire s’exprimer des émotions qui passeraient des larmes au rire.
Enfin si je vous dis Afro Inspiration, vous me répondez ?
Inspiration simplement.
Merci les filles pour cette entrevue. Pour plus d’information rendez-vous sur :
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