Elise Nyemb est une Camerounaise vivant au Cameroun, qui se définit elle-même comme une « passionnée du cheveu crépu. » Bloggeuse et fondatrice du concept So natural…so me, elle mène des actions pour la revalorisation du cheveu crépu au naturel. D’ailleurs, la dernière en date fut menée en Février 2015, où So natural…so me, est partie à la rencontre de collégiens camerounais. Découvrons cette femme engagée et les motivations de son action.
Bonjour Elise, peux-tu te présenter un peu à nos lecteurs?
Bonjour, Je suis Elise NYEMB camerounaise et passionnée du cheveu naturel. J’ai créé mon blog les bidouilles d’une Nappy en 2008 car j’ai été très vite lassée de ne jamais trouver sur la toile les modèles de Nappy vivant au Cameroun, des produits qu’il me fallait pour l’entretenir de mes cheveux crépus et entendre mon entourage dénigrer mes cheveux. C’était un moyen pour moi de partager mon aventure capillaire avec les lecteurs en y ajoutant surtout la touche Camerounaise.
« So natural…so me » est né naturellement car il devenait important pour moi de sortir de la toile et continuer à éduquer et sensibiliser mes sœurs sur le cheveu naturel et briser le mythe qui l’entoure.
Comment t’es venue l’idée, de valoriser le cheveu crépu auprès des enfants camerounais ?
Nous avons remarqué que les mamans adhéraient moins à cause disent-elles « des aléas de la vie moderne ». Elles ne trouvent pas le temps de s’occuper des cheveux de leurs enfants ; face à cet abandon nous nous sommes dit qu’il était de mise de donner une chance à ces enfants de ne pas tomber dans les mêmes travers que nous. Beaucoup de jeunes filles pensent au défrisage parce qu’elles ne grandissent pas avec l’image du cheveu crépu comme atout de beauté. Les mamans ont perdu les bons gestes la session coiffure est un calvaire et très vite le défrisage devient la solution facile.
Quelles ont-été les difficultés rencontrées ? As-tu recu de l’aide de partenaires, passionné (e) s, marques ?
Les difficultés sont tout d’abord d’ordre financières, au Cameroun la perception négative qui entoure le cheveu crépu fait que les partenaires sont très réticents à s’associer à de telles actions « le sujet est obsolète »disent-ils. Nous aurions voulu avoir plus de sponsors pour plus de cadeaux à offrir aux élèves.
Nous avons néanmoins eu l’adhésion de la marque Carolina-B portée par une camerounaise qui a offert des produits de sa gamme enfant et MALOKO SPORT ET LOISIRS qui a offert des pass d’entrée à son espace.
Les enfants avaient-ils besoin d’être sensibilisés à ce sujet, les petites filles notamment ?
Ce qui m’a convaincu de l’importance d’une telle action est que ma fille de Terminale qui porte encore ses cheveux crépus m’a rapporté que les filles qui ne sont pas défrisées subissent une certaine pression voire une stigmatisation des autres qui les traitent de villageoises et les excluent « des bandes » elle m’a proposé de venir en parler dans son école pour changer les mentalités de ses camarades. Ces enfants sont nées dans le moule des standards de beauté Européens il est important de leur prouver que le défrisage n’est pas une évidence.
Je veux dire par là, la majorité des petites filles camerounaises sont-elles déjà défrisées ?
Le défrisage reste la norme c’est le passage obligé vers la vie de « grande fille ».Un sondage nous a permis de réaliser que seulement 20% d’élèves portent encore leur cheveu naturel dans ce collège !
La plupart d’entre elles ayant eu leur premier défrisage à l’école primaire.
Les garçons sont-ils aussi touchés par le « phénomène » du défrisage ?
Les garçons ne sont pas concernés au premier chef mais ils adhérent très tôt aux canons de beautés imposés (peau blanche- cheveux lisses) et n’hésitent pas à railler leur camarade de classe qui s’écartent de ces codes. Nous comptons d’ailleurs les convier aux causeries futures.
Avez-vous eu un écho médiatique de votre action au Cameroun et/ou ailleurs ?
Cette action a créé le buzz sur ma page Facebook et j’ai de plus en plus de sites et blog qui souhaitent relayer cette actualité. La presse locale en a également parlé.
Comment s’est passé le contact avec les écoles ? Combien d’écoles as-tu pu visiter ?
Nous nous sommes rapprochés des dirigeants de l’école en leur présentant la corrélation existant entre l’amour de soi dans sa différence et la réussite scolaire. Un élève sûr de lui ne va pas s’adonner à des pratiques avilissantes comme la fraude. Compte tenu du fait que cette action est essentiellement portée par des femmes actives nous avons visité deux collèges mais nous comptons en faire un programme que nous allons étaler sur l’année.
Quelle a été la réaction des enfants, lorsque tu es allée dans les écoles ?
Les enfants étaient aux anges…
Ce fut un déclic pour elles de voir des mamans qui portaient fièrement « des coiffures d’enfant » nous avons bousculé les idées préconçues qu’elles avaient sur la notion de coiffure.
Avez-vous eu des retours de la part des familles de ces enfants ? Si oui, quelles ont été leurs réactions ?
Les parents ont beaucoup apprécié cette action qui permet à leurs enfants d’avoir accès à l’information qu’elles n’ont pas eu la chance d’avoir à leur âge. Les plus grandes ont même big chopé! (ndlr: « La grande coupe en anglais », action de couper les longueurs défrisées pour retrouver la nature originelle de ses cheveux crépus.)
Peux-tu nous décrire un peu le déroulement de ton exposé ?
Nous leur avons parlé des dangers du défrisage pour une élève, des bases de l’entretien du cheveu crépu et nous avons fait un pan sur l’amour de l’Afrique, notre différence est une force et doit développer la confiance soi.
Comptes-tu réitérer l’expérience, dans d’autres pays d’Afrique ou d’Europe ?
Oui c’est une action que nous allons dupliquer dans le monde entier s’il le faut.
Quel a été le plus beau souvenir de cette expérience ?
Le plus beau souvenir est de lire la joie et la fierté dans le regard de ces enfants.
A la fin de l’exposé les enfants nous ont demandé des autographes ! (rires)
Petite question « cheveux », quel a été le meilleur conseil qu’on t’ait donné ?
Elise, Hydrate-toi de l’intérieur ! Il faut boire 1.5litre d’eau par jour.
Un dernier mot pour nos lecteur (ice)s ?
Dans la société africaine la femme a un devoir de transmission. Le moment de la coiffure est et doit rester un moment privilégié de partage entre la maman et son enfant. Nous avons le devoir de bâtir des femmes africaines fortes et fières ceci passe par une connaissance profonde de soi. Ne défrisons pas les cheveux de nos enfants mais donnons-leur une chance de s’aimer tels qu’ils sont.
Cet article a été rédigé par Faïda Boina
Bio de Faida: Conseillère en Image et diplômée de sociologie, j’aime la beauté et l’Humain. Je suis également passionnée de mode, littératures africaines, sciences, et spiritualités.
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