Jean-Luc Kossigan AGBOYIBO est un passionné de l’Afrique. Il travaille depuis un an sur un projet visant à aider les jeunes de son pays, le Togo, par le biais du basketball. Nous l’avons rencontré pour en savoir plus.
Présentez-vous à nos lecteurs ?
Je m’appelle Jean-Luc Kossigan AGBOYIBO, j’ai 27 ans, je suis togolais. J’ai fait mes études à Paris en France. Après une licence en Mathématiques appliquées aux Sciences sociales à la Sorbonne et une maitrise en Management des Organisations des Entreprises à l’IAE de Paris, je me suis spécialisé dans le Sport Business en faisant un Master à l’Académie de Management des Organisations sportives – AMOS.
Je travaille au sein de la société FEDINTER (Financière Eric Duval Internationale) en tant que responsable du management du projet « Africa Top Sports ». Je m’occupe également d’un projet associatif, LYSD, que j’ai cofondé il y a un an et qui a pour but de contribuer à l’éducation des jeunes par le biais du sport.
Je vis depuis 5 mois à Lomé. Après 14 années à Paris, je suis un peu comme vos lecteurs, j’ignore beaucoup de choses de ma ville, mais si vous vous y rendez un jour, il ne faut pas passer à côté du « Pure Beach » qui est en train de devenir un petit coin de paradis. Je profite de la question pour donner quelques infos sur mon pays qui est souvent méconnu. Le Togo est un pays d’Afrique de l’Ouest d’une superficie de 56 600 km◊, on y compte environ 6 millions d’habitants, dont 2 millions, à Lomé. Les pays limitrophes sont le Ghana, le Bénin et le Burkina Faso. Ancienne colonie allemande avant de passer sous la tutelle de la France, on y parle le français. La langue ethnique la plus parlée est l’éwé.
Que veut dire LYSD ?
Leading Youth, Sport and Development !
Quel est votre slogan ?
« SHAKE THINGS UP » !
Parlez nous de comment l’association a démarré. À quel besoin répond-elle ?
LYSD est née d’une rencontre à Johannesburg en mars 2012 avec Amadou Gallo Fall, le Vice-Président de la NBA Afrique.
Nous nous sommes connus quelques mois auparavant grâce à mon mémoire de fin d’études qui portait sur le développement de la NBA en Afrique. Je n’avais pas d’arrière-pensées quand j’ai fait mon étude. Je trouvais juste dommage que la NBA aille un peu partout dans le monde et néglige autant l’Afrique. Le business du basketball sur notre continent n’est pas encore intéressant pour eux, mais j’étais persuadé qu’en investissant dans les pays clés (Nigéria, Afrique du Sud, Ghana, Angola…), la NBA et ses partenaires (Adidas, Sprite…) pouvaient apporter quelque chose de nouveau en Afrique. Amadou avait apprécié mon travail et m’avait dit que ce serait bien de se voir un jour.
Après mes stages en France dans le cadre de mon master, la situation à l’égard des étudiants étrangers (circulaire Guéant) ne présageait rien de bon. J’ai donc sauté sur l’occasion offerte par Amadou pour me rendre en Afrique du Sud. Nous avons tout de suite accroché avec lui et tout le staff de la NBA Afrique.
Les activités de la NBA en Afrique avaient alors débuté depuis un peu plus d’un an, l’équipe était essentiellement composée d’entraineurs et de séniors. Mon profil plutôt axé marketing/analyste a été proposé au bureau de Londres qui gère le business de la NBA en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Pour des raisons administratives, je n’ai pas pu rejoindre leur programme pour jeunes diplômés.
Je n’oublierai jamais cette phrase d’Amadou « Stay positive, ultimately you will get the right break », en effet malgré les obstacles, il ne fallait pas baisser les bras. Je me suis inspiré de son projet SEEDS Academy à travers lequel il aide les jeunes sénégalais par le biais du basketball et j’ai réfléchi à un projet pour contribuer à l’éducation et à l’épanouissement des jeunes togolais.
Vivant à Paris, mon idée initiale était de servir d’intermédiaire entre les institutions internationales sportives et les personnes qui ont des projets sportifs intéressants, mais qui peinent à leur donner vie.
Contrairement à Amadou, je n’ai pas été sportif professionnel, je ne pensais donc pas avoir cette légitimité pour dire aux gens ce qu’ils doivent faire en termes de jeu, par contre je sais ce que le sport m’a apporté en tant qu’homme et je voulais partager cela. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à insister sur l’aspect social au sein de LYSD.
J’ai eu la chance d’avoir le soutien des étudiants de la Chaire Entrepreneuriat Social de l’une des meilleures écoles de commerce française : l’ESSEC. Pendant 3 mois, Hugo, Marianne et Helena m’ont aidé à formaliser le projet. Deux d’entre eux m’ont d’ailleurs rejoint pour la création de l’association. Aujourd’hui, Hugo et moi assurons le pilotage de LYSD.
Initialement l’idée était l’organisation d’événements autour du basket-ball pour les jeunes de Lomé. Le projet s’appelait alors Lomé Youth Basket-ball Development (LYBD). Cette idée était un peu trop restrictive, et n’offrait que peu d’options de développement. Nous avons rapidement élargi notre vision, afin de ne pas nous positionner dans l’événementiel, mais davantage comme une structure de soutien et de conseil aux porteurs de projets sportifs à finalité sociale (et pas uniquement liés au basket-ball, car après tout, tous les sports sont vecteurs de cohésion sociale !).
Le projet est finalement devenu Leading Youth Sport Development afin de ne pas se mettre de limite. Globalement, nous avons ainsi énormément élargi nos possibilités d’action, et l’avenir semble nous donner raison !
Quelles sont vos principales activités ?
Nous sommes au début du projet. Nous allons dans différentes villes afin d’organiser des événements et de mener des études auprès des populations pour mieux les connaitre et identifier leurs besoins.
La Basketball Promotion Week a été notre premier événement au Togo. Comme son nom l’indique, c’était une semaine promotionnelle du basketball au Togo. Le succès de l’événement nous a permis d’être invités par la National Basketball Association (NBA) à Accra (Ghana) en juillet dernier pour la venue de Luol Deng – joueur de basketball des Chicago Bulls – et à Johannesburg (Afrique du Sud) en aout lors du camp Basketball Without Borders, événement réunissant les meilleurs jeunes basketteurs africains. Ces voyages nous ont permis de constituer un réseau et d’affiner notre projet.
Nous avons enchainé en septembre avec le festival d’Aného auquel nous avons été conviés par les représentants de la ville et la fondation Aquereburu & Partners. Durant 3 jours, nous avons organisé des séances de basketball avec des jeunes âgés de 10 à 18 ans. Des joueurs de la sélection nationale et du championnat togolais nous ont aidés à organiser ces séances. Dans la foulée du festival, d’autres jeunes ont rejoint le projet afin de nous aider à voir plus loin. Notre action ne sera pérenne que si nous impliquons la population locale.
Depuis le mois d’octobre, nous travaillons dans les villes d’Aného, Vogan et Kpalimé. Nous y organisons des séances une fois par mois pour venir en appui aux structures déjà en place. Ce volet nous permet de mieux connaitre les jeunes et leur environnement. Au-delà du basketball, nous voulons contribuer à l’éducation de ces acteurs de demain. En plus des équipements fournis par nos partenaires, nous avons des représentants (député, avocat, homme d’affaires) de ces villes qui se sont engagées à nous aider financièrement.
En quoi la pratique du sport peut contribuer au développement de l’Afrique ?
Avec 60 % de jeunes de moins de 25 ans, l’Afrique a avant tout besoin d’éduquer ses jeunes. Je n’invente rien, je m’inspire de la SEEDS Academy dont j’ai parlé précédemment et de Diambars, association de Jimmy Adjovi-Boco, Bernard Lama et Patrick Vieira, qui aide les jeunes sénégalais par le biais foot.
La particularité de ces deux institutions est qu’elles permettent aux jeunes d’avoir plusieurs alternatives. Les jeunes de la SEEDS qui ne sont pas professionnels, mais qui ont eu la chance de partir étudier aux États-Unis grâce à des bourses rentrent aux pays avec des diplômes et un anglais parfait. Ceux de Diambars apprennent un métier à côté du football. Le sport est dans ces deux institutions un outil. On peut en faire de même avec le cinéma, le théâtre, la musique, la danse…
Amadou et Jimmy prennent toujours le temps de me donner des conseils. Quand je vois ce qu’ils ont fait en 10 ans, je me dis que des jeunes doivent trouver le temps pour leur prêter main-forte et répliquer ces bonnes pratiques dans les autres pays.
D’ailleurs, la NBA, la WNBA et Africare ont lancé un projet à Abuja au Nigéria il y a quelques jours associant le basketball aux études, nous souhaiterions nous inscrire dans cette lignée. La route est encore longue.
Parle-nous de la BPW 2013, comment cela s’est déroulé ?
La BPW 2013 a été le premier évènement porté par notre association au Togo lors du mois de mars 2013. LYSD s’est rendu dans 5 villes togolaises pour organiser des ateliers et tournois de basketball, tout en sensibilisant les jeunes participants à la gestion des déchets grâce à l’intervention de trois ONG locales : STEJ Togo, ENPRO et ADDEL&ETAN.
Nous nous sommes rendus à :
- Aného, où plus de 120 jeunes se sont réunis au Collège Saints Pierre et Paul pour un tournoi interécole
- Kpalimé, où nous avons organisé des ateliers de différents niveaux au Collège Protestant. 80 enfants et adolescents nous ont rejoints pour cette après-midi de jeux et de défis sportifs.
- Atakpamé, où nous avons proposé des ateliers et des matchs à des adolescents provenant de quatre établissements différents.
- Kouvé, dans le cadre du projet de construction du playground mené par l’association KINTUADI.
- Lomé, pour la 3e édition d’un tournoi de basket dont nous avons assuré le développement.
Cette semaine de promotion du basket au Togo a été le moyen pour nous d’échanger avec les jeunes et les moins jeunes, les autorités locales, les professeurs de sport, afin de partager notre passion pour le basket et donner aux jeunes l’envie de poursuivre leur découverte de ce sport. Elle nous a aussi permis de structurer nos priorités pour nos prochaines actions et d’imaginer une multitude de projets à engager à destination des jeunes !
Quelles sont les difficultés que vous avez dû surmonter pour organiser l’évènement ?
Un de nos porteurs de projet, la Ligue de Basket-ball de Lomé, s’est finalement retiré de notre premier événement, à savoir l’organisation d’un camp de basket-ball. Ce contretemps est survenu 3 semaines avant le lancement du projet. Nous avons dû réagir très rapidement pour pallier à cette défection. Avec l’aide du ministère des Sports, du Comité National Olympique Togolais et du ministère des Enseignements primaires et secondaires, nous avons réussi à organiser des sessions d’une journée dans plusieurs villes.
Au lieu rassembler les jeunes à Lomé, nous nous sommes retrouvés à Aného, Kpalimé, Atakpamé et Kouvé pour faire la promotion du basketball. Certes les jeunes étaient moins talentueux, mais humainement nous sommes sortis gagnants de cette déconvenue. Ce n’est pas pour rien que nous avons décidé de nous concentrer désormais que sur les villes et villages qui ont besoin de nous.
Nous n’avions pas tenu compte de ce type de revirement, mais la pratique nous apprend beaucoup !
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