Il y a des jours comme ça. Tu es juste en train de ne rien glander depuis le matin sur Twitter, lorsque tout à coup tu vois passer une image un peu sombre dans ton fil d’actu. Le temps que tu comprennes de quoi il s’agit, le truc a déjà été retweeté (et ajouté aux favoris de Reniss) une bonne vingtaine de fois.
Bref, New Bell Music a lâché un nouvel EP. Une bombe, qu’ils disent. Le genre de bombe qui comme d’habitude semble signifier calme plat niveau communication. Ne me bloquez pas SVP, je ne suis qu’une pauvre aigrie qui remplit sa vide existence en maugréant sur les projets des autres.
Lord Have Mercy.
Cinq titres, deux artistes que je ne connaissais pas, des styles musicaux assez variés pour un résultat agréablement surprenant. J’avoue, j’ai approché cette nouvelle sortie avec deux niveaux de préjugés: premièrement, lorsque j’ai découvert il y a deux ans le site de New Bell Music, je me suis permise de penser qu’il ne s’agissait là que d’une vitrine supplémentaire pour Jovi et ses multiples collaborations. Genre, le mec ne veut pas se faire un site web à son nom et parce qu’il adore partager, il invite ses potes à s’exprimer avec lui sur quelques créations. Préjugé numéro 2, qui découle directement du premier, je m’attendais au traditionnel “Reniss chante au début – Jovi rappe – Reniss fait le refrain dans sa langue. Sauf que dans la tracklist, le nom de Jovi n’apparait qu’une seule fois. Tiens donc? Oui, la méchante claque que je me suis prise, adieu préjugés. Cet EP est une bombe, qui part dans tous les sens, énervée, romantique, éclectique et surtout, très recherchée. Allons-y pas à pas.
Pantanta : Tilla Ft Shey et Reniss.
Il faut que je précise, la première fois que j’écoute Pantana c’est sur le haut parleur de mon téléphone. J’étais perplexe, j’entends Tilla rapper très haut perché des trucs classiques de rappeuse (je suis-forte-ils-sont-faibles-yeah-un-hun) et sans prévenir je me prends le refrain de *suspense* Reniss dans la gueule. Une impression très dérangeante de disharmonie, un peu comme si deux chansons de deux styles disparates étaient sorties ensemble et avaient neuf mois plus tard produit un mashup raté. Mais tout ceci est la faute de mon haut parleur, en réessayant avec des écouteurs je me rends compte que j’avais complètement loupé les nerveuses basses dancehall en fond, qui créent le lien logique avec le refrain. Je savoure, me laisse prendre au jeu, m’imagine presque sur le toit d’un bâtiment, secouant la tête sous ma capuche relevée. Même si le rythme difficilement variable de Tilla ne me semble toujours pas faire corps avec l’instrumental, je finis par aimer, je commence déjà à m’interroger sur l’identité de cet artiste que je découvre avec Pantana, le fameux Shey.
Charger: Jovi.
Imagine la ruelle la moins éclairée de ton quartier. Tu es seul, ton portable est presque éteint et tu vois une silhouette menaçante émerger lentement de l’ombre, drapée dans un nuage de fumée dont tu ne doutes pas longtemps de la provenance. C’est l’effet “Charger”. Le côté obscur du Monstre, une force qui plonge la partie raisonnable de ton cerveau dans la confusion totale tout en titillant sa partie aventureuse. Ok, on a entendu plus “logique” venant de Jovi. Mais arrêter d’exiger à la créativité d’être logique permettra peut-être au hip-hop camerounais de challenger les limites de sa linéarité. La première fois on se sent un peu perdu, puis on se laisse tenter par le style hasardeux, on suit cette lueur qui explore librement les ténèbres et recrache ce qu’elle y a trouvé, sans gérer autre chose que son inspiration.
Horsepower : Pascal Ft Shey.
J’en ai un peu honte mais je vais quand même le publier, les dernières secondes de Horsepower m’ont fait imaginer la fameuse fille sexy qui marche au ralenti sur une plage, avec sa robe qui flotte dans le vent. Une mélodie qui te reste définitivement dans la tête dès les premières notes, un rythme entraînant qui empêcherait même les haters les plus aguerris de rester immobiles. Si on devait voter pour le featuring de l’année, je nominerai sans hésiter Pascal et Shey. Entre le flow qui glisse avec musicalité de l’un et l’accent délicieusement reggae-dancehall de l’autre, c’est la combinaison qui marche pour le titre qu’on espère entendre chaque fin de semaine en club. A ne surtout pas mettre en mode repeat, vous risqueriez d’y passer la journée.
Lord Have Mercy : Tilla Ft. Reniss
Encore une chanson à fort potentiel subliminal, style “ok public, merci beaucoup pour tout votre amour, mais donnons-nous tendrement la main et observons trois minutes et cinquante-quatre secondes de silence en l’honneur des hâters”. Tilla s’y donne en lyrics punchy, accompagnée par une Reniss dont je découvre le côté princesse reggae. Un message assez profond, limite spirituel, qui tranche avec une mélodie tellement paisible qu’elle te laisse une impression de générique de fin. Mais ce n’est que le début, New Bell Music est définitivement dans la place, hurlements de la foule et solo de guitare dans vos faces.
Et P8 Koi Remix : Tilla, Teddy Doherty, Mic Monsta, Zayox, Inna Money, Pascal et Dareal.
C’est toujours intéressant, les remix. Ça te transforme de potentiels ennemis en alliés le temps d’une collaboration et ça mélange tous ces artistes d’horizons différents qu’on aime au même endroit. Seul hic, le concept d’affirmation de soi devant la médisance et la jalousie des autres défendu par le titre original n’aura pas vraiment évolué en dehors de l’instrumental. Sept samouraïs alignés sur trois minutes qui ne réussissent finalement qu’à produire des couplets débutant par un gros mot et s’achevant par “Et puis quoi?”…Bon. Ce n’est que moi, mais pour le nombre et le talent qu’on leur sait, j’ai trouvé le niveau de performance tant en flow qu’en paroles assez bas. C’était ma minute hater assumée.
Bref, vous savez qui a encore frappé. Cette fois-ci avec une stratégie différente de celle de l’EP Mboko, avec un Jovi qu’on a le plaisir d’apprécier à 90% sous sa casquette de producteur. Je peux me tromper mais je soupçonne le presque inaccessible Charger de s’être glissé dans la liste à dessein, afin que la masse que nous sommes se concentre un peu plus sur le reste de la bande. Il était temps que l’on découvre la multiplicité de profils qui fait la force de New Bell Music, ils sont rap, reggae, afro-pop, mais surtout pétris de talents et prêt à le prouver. Un projet qui vaut sincèrement le détour, à télécharger librement et à diffuser, de grâce, plus largement que sur les réseaux sociaux.
Cet article a été rédigé par Murielle Wonja
Bio de Murielle : Conteuse de charmantes et incohérentes fadaises sur la vie, les chiens et
les voisins qui piratent ton wifi, je suis partagée entre écrire pour imager ce que j’absorbe du monde et raconter n’importe quoi pour mieux me faire comprendre. Du coup je fais les deux en même temps et comme rien de tout ça ne marche, je pense à essayer la batterie.
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Blog: Diet City Punchlines