Le Paris cheap et crade de Tonton Jabar # 8 : Le comptoir général

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Les bars cheaps et crades de tonton Jabar # 8 : Le comptoir général

Il suffit de suivre le petit chemin ténébreux planqué derrière un portail en vieille tôle du quai de Jemmapes (Paris 11e) pour s’imprégner de l’étrangeté des lieux. Le comptoir Général est un endroit singulièrement mystérieux terré dans l’antichambre de la cité des Lumières. Et c’est l’émerveillement qui gagne le visiteur, une fois le pied posé sur le long corridor au tapis rougeâtre au cachet rétro digne de la maison hanté de Disney World. Photos de dictateurs africains sur les murs et réceptionniste d’hôtel sur son pupitre, éclairé à la seule lueur d’une petite veilleuse encore plus poussiéreuse que ton arrière-grand-père tirailleur.

Dans la salle de bal juxtaposant le couloir, c’est le graal des Indiana Jones de pacotille que toi/moi/vous êtes. Un bar paillotte aux lampions qui rappellent aux belles heures du technicolor, se dresse dans cette pièce où se côtoient vestiges d’une France qui pousse à la nostalgie d’une époque que t’as pas connue (tables et chaises d’écoliers, authentiques cahiers d’enfants de 1930 planqués un peu partout, manuels scolaires anachroniques). Sous le pied du visiteur, le plancher grince en approchant du cabinet de sorcellerie que l’on surnomme « l’antre du mauvais goût qui tâche» à cause de ces têtes de poupées coupées et ces sortilèges vaudou tous azimuts disposés avec la discrétion d’une Vénus de Milo. L’expression bigarrée des toiles d’araignées planquées dans un esprit dérangé. Mais nous, qu’est-ce qu’on aime ces gens-là !

Seul dans son coin, un vieux cinématographe semble à se rappeler à ses glorieuses heures passées, les vieilles armoires à pharmacie sont pleines à craquer de vieux flacons de pénicilline et de médicaments périmés et un groom noir sapé comme à la belle époque de Toulouse-Lautrec est en train de pioncer sur son pupitre, son haut-de-forme se balançant suivant la cadence de ses ronflements de métronome autrichien. L’entrée n’est plus loin, c’est le grenier de Papy Jean-Jacques, ce foutu colonialiste qui nous ouvre ses portes.

Les bars cheaps et crades de tonton Jabar # 8 : Le comptoir général

Alors on danse ? 

Quand le manoir prend vie, on y croise parfois, un petit groupe de tangueras du dimanche en plein abrazos, des bobos avec leur marmaille se vautrent dans les canapés Emmaüs d’une salle de thé arborée aux artifices d’une jungle luxuriante, et les plus cuistres d’entre eux patientent une trentaine de minutes pour se payer à prix d’or un Bo Bun moins bon et plus cher qu’à Belleville. La friperie située sur la mezzanine accueille à bras ouverts les heureux philistins prêts à sortir leur bourse pour s’offrir des cravates à pois jaunes et des souliers vernis qui ont probablement connu Philipe Pétain. Fort heureusement, des livres de seconde main proposés aux chineurs du pavé le sont à des tarifs beaucoup plus abordables. Si le cœur vous en dit, des boissons chaudes aux consonances trop écoresponsables pour être honnêtes (thé détox à la canneberge de l’Atlantide, toussa…) se commandent au comptoir, hérissant au passage le poil du sale carnivore/climato-sceptique sommeillant en chacun de nous.

Les bars cheaps et crades de tonton Jabar # 8 : Le comptoir général

Yipikaye Mother Fucker !

Le plaisir et l’émerveillement sont authentiques lorsque l’on se balade pour la première fois dans les travées de petit sanctuaire de l’Afrique colonialiste. La liberté de circulation et d’interaction est basée sur la confiance, et détonne dans une ville-musée comme Paris où le moindre pet audible est vu comme un attentat prix Goncourt et à la médaille Fields réunis. Explorer le Comptoir Gé c’est un peu comme jouer aux flibustiers sur le galion des Goomies.

Verdict

Le crade :2/5 L’établissement perd en poussière et en moisissures avec le temps. Triste époque.

Le hype : 4/5 Plus bobo, tu meurs ! On y rencontre peu de noirs d’ailleurs.

Le comptoir général

80 Quai de Jemmapes

Paris 10e

Métro Goncourt

Ouvert tous les jours de 11.00 à 01.00

4 € le thé bio

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