CHEIKH ANTA DIOP – Ce qu’ils ont dit de lui par IMAKHOU HEM HEROU

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CHEIKH ANTA DIOP
CHEIKH ANTA DIOP

Si les attaques contre l’œuvre et la personne de Cheikh Anta DIOP ont pu ralentir la diffusion de son enseignement, nous savons comme beaucoup d’autres, que le temps joue en faveur des Kamit du monde entier.

À date, les dernières « incursions barbares » contre l’incontournable Maître sont celles de Mary LEFKOWITZ (Not Out of Africa, How “Afrocentrism” Became an Excuse to Teach Myth as History, 1997), de F.X. FAUVELLE-AYMAR et Co. (Afrocentrismes, Khartala, 2000), de Bernard LUGAN (vidéo ci-dessous) et dans une moindre mesure Alexandre ADLER (vidéo ci-dessous). Du côté Kamit, si les adversaires de Cheikh Anta DIOP se font de moins en moins bruyants, n’en demeurent pas moins que certains, comme Jean-Paul POUGALA, sous couvert de la «liberté de penser» ou de la «liberté de critiquer», s’essayent à cet exercice qui débuta en 1954 dès la parution de Nations nègres et culture. Non qu’il faille ne jamais faire une critique des thèses de Cheikh Anta DIOP, bien au contraire. Le lieu est ici de déclarer que toute critique doit en première instance célébrer l’œuvre monumentale de DIOP et, ensuite, s’inscrire en complément de celle-ci dans l’intérêt de la longue marche qu’est celle de la Renaissance.

Cheikh Anta DIOP
Cheikh Anta DIOP

Lorsqu’on prend connaissance des témoignages et recommandations des Kamit les plus illustres au sujet de l’œuvre de DIOP, on comprend que commenter les thèses comme celle ci-dessous de Jean-Paul POUGALA est en réalité une distraction dont on se serait bien passé, lisons ensemble :

« Les Africains ne sont pas de la même couche sociale et ne peuvent pas voir le monde de la même manière. Je suis un homme de la plantation et mon langage est celui de la plantation, mon tutoiement est propre à la plantation. Souffrez que je ne puisse pas partager le même héros que vous. Souffrez que j’aie la liberté de voir Anta Diop comme un naïf qui a fait plaisir au système puisque son discours a réussi à anesthésier toute une génération d’Africains à des théories qui ne nous ont amenés nulle part. Souffrez que je puisse proposer aux autres camarades de la plantation comme moi de ne pas perdre le temps à croire que le prédateur va nous respecter lorsque nous allons le convaincre par les mots que nous sommes intelligents, alors que lui il nous a convaincus en cognant dur sur nous. Lorsqu’on a été habitué pendant trop longtemps à des travaux manuels très durs, on ne fait pas dans la dentelle, on ne fait pas de la poésie pour trouver à manger. Anta Diop nous a enseigné à faire de la poésie, à singer le maître pour lui dire que même si on nettoyait ses chiottes, nos ancêtres étaient quand même des rois. Les Italiens diraient : Chi se ne frega ! (à qui ça importe?) Souffrez que je dise que pour des gens de basse classe comme moi et qui sont la majorité des Africains, cela ne suffit pas pour trouver à manger à la masse. Et commencer dès maintenant à partager nos expériences pour rattraper le temps qu’ils nous ont perdu dans des débats futiles. Les Européens tirent-ils leur fierté du fait qu’ils viennent des Romains ou parce qu’ils ont optimisé les expériences des Romains pour aller conquérir le monde? Pourquoi devraient-ils nous respecter juste parce qu’on va chanter que les générations lointaines d’Égyptiens on fait ceci ou cela ? » Jean-Paul POUGALA (Échange dans un célèbre réseau «social», 2013).

L’ignorance (état de celui qui n’a pas accès à l’information) est une des pires conditions humaines. Aux Kamit qui pensent que les questions alimentaires, infrastructurelles et énergétiques sont plus importantes que la Conscience historique et la Conscience de soi ; nous ne pouvons pas mieux faire que les renvoyer aux travaux de Cheikh Anta DIOP, de Nkwame NKRUMAH (Consciencisme, 1964), Marcus GARVEY (Message au Peuple : Cours de Philosophie Africaine, 2010), Frantz FANON (Les Damnés de la terre, 1961), etc.

À ceux qui pensent que Cheikh Anta DIOP ne s’est pas occupé des questions Alimentaires, Infrastructurelles et Énergétiques ; nous leur répondons qu’en l’état actuel de la connaissance, les travaux de DIOP, publiés dans 2 ouvrages, sont les principales références dans ce domaine :

  • Alerte sous les tropiques, 1990
  • Les fondements économiques et culturels d’un état fédéral d’Afrique noire, 1960.

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Dans ce deuxième ouvrage, Cheikh Anta DIOP fait 14 propositions d’actions concrètes allant du domaine de l’éducation à celui de l’industrialisation.

Pour finir, à ceux qui pensent que « s’intéresser au passé » ne sert à rien, que nous devons « avancer » et nous concentrer sur le présent et le futur, nous leur répondons par la voix de Aboubacry Moussa LAM et celle de Cheikh Anta DIOP :

« la loi de la continuité historique : les problèmes d’aujourd’hui plongent profondément leurs racines dans le passé le plus lointain, et des erreurs d’appréciation ou d’interprétation des faits actuels s’expliquent par l’ignorance ou la négligence de cette vérité première ». (Aboubacry Moussa LAM, De L’origine égyptienne des Peuls, 1993)

« Il pourrait exister un groupe composé d’éléments pensant que seule la lutte pour le pain quotidien importe, tout le reste n’étant que préoccupation d’intellectuel : il faut éviter de s’embarrasser de faux problèmes. On pourrait alors leur citer en exemple, le cas du Viet-Nam qui a été obligé de résoudre ces “faux problèmes” dans la jungle où il a fallu instituer un enseignement en langue vernaculaire pour la formation de ses cadres. D’autre part, tout ce qui précède montre que l’on ne s’occupe de ces problèmes de culture que pour donner à cette lutte toute son efficacité pour la transformer en une lutte d’indépendance nationaleMon attitude n’est pas une attitude passéiste de quelqu’un qui se délecte du passé. Toute mon activité est tendue vers l’avenir. Et ce passé, je le déblaye tout simplement pour rendre possible l’édification d’un corps de sciences humaines. » (Cheikh Anta DIOP)

Nous laissons maintenant au lecteur le soin de lire ce qu’ils ont dit sur Cheikh Anta DIOP. À chacun d’en tirer ses conclusions.

1. Théophile OBENGA, Le sens de la lutte contre l’africanisme eurocentriste, 2001.

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Le ton est ici inhabituel, car je réponds, directement, à des attaques, fort rageuses, des Africanistes eurocentristes et racistes réunis par François Xavier Fauvelle-Aymar, Jean-Pierre Chrétien et Mme Claude-Hélène Perrot contre tout chercheur Africain, Africain Américain, Brésilien, Antillais, travaillant dans le sens de l’historiographie de Cheikh Anta Diop, qui n’est pas lui –même épargné par la furie néo-africaniste patronnée par Jean Copans…Nous aurions aimé ne pas réagir si un problème fondamental n’était pas en jeu : la conscience historique africaine, le futur culturel et politique africain…Il s’agit d’attaquer Cheikh Anta Diop et ses disciples au nom d’un nouvel africanisme. En plein midi, l’Homme faible revient, armé. Restons éveillés!

2. Jean-Marc ELA, Cheikh Anta Diop ou l’honneur de penser, 1989

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En un sens, Ch. A. Diop est ce travailleur intellectuel qui dit l’Afrique au monde des savants.  Toutes ses publications laissent entrevoir un goût de curiosité qui ne peut-être assouvi que par de nouvelles recherches. Chaque ouvrage est la reprise et l’approfondissement d’un thème à variation multiples. Jamais cet écrivain n’a eu à traiter un sujet banal. Il s’est délibérément écarté des discussions creuses et des débats stériles qui n’apportent rien à la cause des peuples noirs. Il a donné le meilleur de lui-même et investi ses forces physiques, morales et intellectuelles en portant à un haut niveau le destin d’un continent. Cheikh Anta Diop, c’est la conscience scientifique et historique de l’Afrique.

3. Aimé CÉSAIRE, Discours sur le Colonialisme, 1955.

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Je ne m’étendrai pas sur le cas des historiens, ni celui des historiens de la colonisation, ni celui des égyptologues, le cas des premiers étant trop évidents, dans le cas des seconds, le mécanisme de leur mystification ayant été définitivement démonté par Cheikh Anta Diop, dans son livre : Nations nègres et Culture – le plus audacieux qu’un nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera, à n’en pas douter, dans le réveil de l’Afrique.

4. Molefi Kete ASANTE, L’Afrocentricité, 2003.

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Les recherches de Cheikh Anta Diop sont Afrocentriques dans la mesure où elles sont menées dans la perspective de l’Afrique comme sujet, des Africains comme créateurs de la géométrie de la littérature, de la théologie, et de la médecine. En établissant la relation qui existe entre tous les Africains et l’Égypte ancienne, Diop insista que l’Égypte était à l’Afrique ce que la Grèce était à l’Europe. À partir de cette position extrêmement claire, il établit un programme de recherches pour les savants qui lui succédèrent. Diop est l’Afrocentriste par excellence…Cette vision diopienne, fondamentalement ancrée dans la notion de centre et de nécessité, rivalise avec les meilleures analyses de notre réalité africaine. Indubitablement, Diop est à jamais la norme par rapport à laquelle les savants africains seront évalués.

5. Jean DEVISSE (contradicteur de Cheikh Anta Diop), Encyclopaedia Universalis, Vies et Portraits; Actes du Colloque de Yaoundé sur l’archéologie, 1986.

…L’homme et le savant [Cheikh Anta Diop] ont été au cœur de trop de contestations et de controverses, l’œuvre est trop importante pour que le silence les recouvre…L’Europe, tout particulièrement la France, a beaucoup hésité à prendre en considération cet homme et les idées dont il était porteur…peu d’historiens auront renversé autant d’idées reçues, bouleversé autant de perspectives, ouvert autant de pistes de recherche…Je tiens à lui dire [à Cheikh Anta Diop], et je suis heureux de le faire à Yaoundé, à l’occasion de ce colloque, que je lui suis profondément reconnaissant de m’avoir, par sa ténacité, par son acharnement de chercheur, contraint à modifier plus d’un de mes points de vue, à abandonner nombre de préjugés que m’avait inculqués l’éducation que j’ai reçue. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec lui sur tous les points, je lui devais cet hommage.

6. Pathé DIAGNE, Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde, 1997.

Son impact sur la pensée africaine et négro ne cède aujourd’hui à aucune autre. Il a résisté à toutes les attaques sur son œuvre. Il a été plus fort que toutes les critiques idéologistes qui lui ont été adressées.

7. Doumby FAKOLY, Cheikh Anta Diop expliqué aux adolescents, 2006.

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Cheikh Anta Diop réinstalle le Peuple noir dans sa grandeur en lui redonnant la confiance perdue en ses énormes capacités à construire, lui-même, une Afrique libre, prospère et respectée dans l’intérêt de l’humanité.

8. Asa G. HILLIARD III, The Maroon Within Us, 1995.

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Peut-être aucun universitaire n’a autant influencé l’égyptologie traditionnelle comme Cheikh Anta Diop l’a fait. Dans un assaut frontal, il défia tout seul l’égyptologie traditionnelle sur ses présuppositions favorites faisant de l’Égypte une civilisation de blancs ou alors non africaine. Ce génie multidisciplinaire mena le combat pour la reconstruction de la connaissance que nous avons de l’Égypte antique.

9. Imakhou Hem HEROU, La Pensée Africaine et les fondements de l’État, 2012.

Le livre La Pensée Africaine s’inscrit dans le sillon de la Renaissance Africaine dont la principale icône est sans aucun doute Cheikh Anta Diop qui suggérait déjà de bâtir les humanités africaines à partir du socle de l’Égypte ancienne. La voix du sage se perdit dans le vacarme des indépendances tronquées. Le savant multidisciplinaire prit néanmoins soin de confier sa semence aux vents et au temps dans l’attente d’esprits fertiles. La conséquence étant qu’aucun champ de l’activité humaine n’échappera à la perspicacité de l’Africain nouveau, convaincu est-il qu’une analyse parcellaire ou compartimentée des réalités de l’humanité ne pourra aboutir qu’à des solutions toutes aussi parcellaires et compartimentées, donc inadaptées.

10. Ama MAZAMA, L’Impératif Afrocentrique, 2003

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Le but de Cheikh Anta Diop était par conséquent de nous inscrire pleinement dans notre matrice culturelle et historique africaine. Les implications de cette nouvelle historiographie sont extrêmement importantes. Diop insiste que les Africains doivent se tourner consciemment et systématiquement vers Ta Meri (Egypte antique) comme fondement de notre être culturel. Il n’est plus excusable que nous nous référions à la Grèce et à Rome comme points de départ intellectuel.

11. Babacar Mbaye DIOP, Doudou DIENG, La conscience historique africaine, 2007.

L’ère du continent « sans histoire » est révolue depuis la publication en 1954 de Nations Nègres et culture. En récusant la lecture hégélienne de l’histoire humaine, Cheikh Anta Diop, l’historien le plus considérable du 20e siècle, s’est attelé à rétablir, dans cet ouvrage, la conscience historique africaine.

12. Hugh GLOSTER, dans Great African Thinkers de Ivan van sertima.

Cheikh Anta Diop…homme aux talents multiples, vous ne vous êtes pas limité à une profession. Vous avez atteint des niveaux de connaissances en physique, histoire, anthropologie, sociologie, linguistique et politique. Dans cette période de spécialisation, ayant un nombre extraordinaire de réalisation dans plusieurs domaines, vous êtes un homme de la Renaissance.

13. Edem KODJO, Cheikh Anta Diop ou la pensée à contre-courant, 1986.

Adossé à une érudition extraordinaire que lui assurait une formation pluridisciplinaire rare (mathématicien, physicien, chimiste, archéologue, historien), Cheikh Anta Diop asséna à un monde tour à tour ébahi et inquiet ces vérités tranchantes et traumatisantes.

14. Cheikh Mbacké DIOP, La conscience historique africaine, 2007.

L’œuvre de Cheikh Anta Diop se présente ainsi comme le socle même d’une véritable renaissance de l’Afrique. Pour Cheikh Anta Diop, l’humanité doit rompre définitivement avec le racisme, les génocides et les différentes formes d’esclavage. La finalité est le triomphe de la civilisation sur la barbarie.

15. Meinrad HEGBA, L’Homme vit aussi de fierté, 1999.

Lorsque Cheikh Anta Diop, l’homme d’une érudition encyclopédique, publia son fameux ouvrage Nations nègres et culture, il fut attaqué de toutes parts, ridiculisé, honni parce que sa vision de l’histoire du monde osait défier le schéma dogmatique tracé entre autres par Hegel et Gobineau et qui fait de l’homme noir celui qui ne contribue jamais su patrimoine de l’humanité. Cheikh Anta Diop fut attaquée non seulement par des historiens compétents, mais même par de petits écrivains et journalistes européens incapables de lire Hérodote ou Diodore de Sicile, mais qui s’arrogeaient le droit de rejeter avec dédain les chroniques égyptiennes de ces historiens consciencieux…Devant l’avalanche de moqueries, insultes, avanies déchaînées contre le chercheur sénégalais, combien d’intellectuels africains eurent le courage de prendre sa défense ? Au nom de l’histoire scientifique de leurs maîtres, certains allèrent jusqu’à leur faire chorus pour dénoncer les « thèses simplistes » de Cheikh Anta Diop.

16. Jean Charles COOVI GOMEZ, Cheikh Anta Diop, 26 ans déjà, 2012

Un homme a permis à l’Afrique de restaurer sa conscience historique et en même temps d’amorcer le processus de réconciliation de l’humanité avec elle-même. Cet homme c’est l’éminent savant Cheikh Anta Diop. Le professeur Cheikh Anta Diop est assurément un des plus grands savants de tous les temps. Comme vous le savez, le professeur Diop, dès les années 45, à amorcer son projet de réécriture de l’histoire de l’humanité du point de vue du paradigme proprement africain. Ce projet a donné naissance à des œuvres majeures. ON cite habituellement Nations nègres et culture dont le titre entier est Nations nègres et culture, de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui. Donc ce n’est pas une vision passéiste (c’est-à-dire plongée dans le passé) qu’il y a dans ce livre; c’est une prospective, une anticipation sur les défis du futur.

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VIDÉOS :

1. Bernard LUGAN parle de Cheikh Anta DIOP

2. Alexander ADLER parle de Cheikh Anta DIOP

3. Jean-Paul POUGALA parle de Cheikh Anta DIOP et du rôle des penseurs

4. Théophile OBENGA parle de ceux qui nous éloignent de l’Afrique, ceux qui fragmentent la conscience historique africaine


Cet article a été rédigé par Imakhou Hem Herou Le Grand Maquis

Imakhou Hem Herou :Vaut mieux être le premier à se tromper que le dernier à comprendre.