Dans les bas-fonds d’une cité de banlieue, s’élève perchée la voix d’un imam. À travers le fin grillage du minuscule grillage — seul contact avec l’extérieur — les yeux d’une jeune femme voilée qui épie son amie affairé à sa besogne spirituelle et familiale, et qui par texto l’empresse de la rejoindre prestement. Cette scène où la grille représente la ligne de démarcation entre deux itinéraires de vie opposés symbolise à elle seule la portée de ce film, faite d’allégories et de mises en scène sémiologiquement prophétique.
Divines est avant tout l’histoire d’un lien fort — du plus solide qui soit — qui relie deux amies aux destins croisés, et qui malgré tout ne se rompra jamais. Elles zonent dans une cité-dortoir où l’espoir semble avoir déserté les lieux et les tristes riverains qui peuplent ces lieux. Entre deux larcins de mars et de shampoings au Carrefour du coin, elles se façonnent une vie fantasmée qui prend sa source dans la réussite affichée de la dealeuse du quartier. Cette dernière, qui dans une vanité incontinente, s’affiche sur le pavé avec sa réussite matérialisée par des voyages luxueux en Thaïlande et de grosses cylindrées convainc Dounia, la plus tourmentée du tandem de se lancer dans la concrétisation de son projet : faire un tas de fric, par tous les moyens.
La suite est une fable qui a le goût de bitume et de gazole, de la piété et de la tentation. C’est une tempête d’émotions vécues dans la chair des protagonistes qui prend vie devant la caméra, les hurlements et les ricanements des acteurs magistralement dirigés font bander des sentiments sous perfusion d’exaspération, de complicité, de terreur, et de désespoir. Articulé comme une quête initiatique sous la forme de roman dont vous êtes le héros, la dualité entre antagonismes que sont la brutalité/la compréhension, la fuite/l’affrontement, la frustration/l’acceptation, rythme le récit pour lui donner une vraie intrigue, et atteint un paroxysme insoutenable dans les moments-clés de ce périple existentiel.
Dounia court après une chimère, sa recherche de soi. Maimouna, son acolyte, est son plus grand trésor sur cette planète. Dounia, dont porte la croix de sa famille déstructurée, et Maimouna porte son amie par la force de sa tendresse. Divines est avant tout une aventure humaine, une déclaration d’amour déchirante et sincère, le cri du cœur d’âmes incomprises.
Sous la nuit incandescente de la cité, l’espoir est définitivement mort. Mais la carapace de virilité de Dounia finit par voler en éclats. Maimouna avait raison, elle sera « toujours là pour la rattraper ».
DIVINES de Houda Benyamina
Sortie le 31 Août 2016