Dieudonné fascine autant qu’il énerve. Dans le public de son dernier spectacle, Le Mur, beaucoup de jeunes, et pas mal d’étudiants. meltyCampus s’est intéressé au phénomène qui attire dans son sillage de plus en plus de jeunes.
Par ces pas de deux, l’humoriste en déroute plus d’un.
C’est l’histoire d’une bête comique blessée. D’un taureau que les banderilles du système politico-médiatique n’ont fait qu’enrager davantage. De Dieudonné on a dit tout et son contraire, des louanges, des insultes, des apologies et des mises au ban, mais pas grand-chose entre les deux, dans cette zone grise pleines de nuances où se trouve souvent la vérité. Comment l’humoriste est-il passé de symbole de l’antiracisme jovial et consensuel, à celui de représentant attitré des courants les plus extrêmes et conspués de la matrice politique ? Pourquoi tant de jeunes, de tous bords politiques, sont-ils fascinés par ce comique qui ne fait pas toujours rire ? Comment expliquer l’engouement de beaucoup d’étudiants pour un tel phénomène ? Quelles sont les raisons qui amènent des personnalités de toute obédience à le montrer du doigt, et des groupes aux intérêts en apparence si divergents, à le soutenir ? Pourquoi, malgré ses débordements à répétitions allant de la saine provocation à l’impossible excès, des personnalités comme Alexandre Astier (créateur de Kaamelott) continuent de voir en lui « un de nos meilleurs humoristes » (France Musique, 15 Décembre 2011). meltyCampus, dans un dossier spécial consacré à l’humoriste le plus controversé du moment, revient sur le phénomène Dieudonné et sur son impact chez les jeunes d’aujourd’hui. Ce premier article s’intéresse au parcours du comédien.
De l’antiracisme consensuel à l’antisionisme
Les débuts de Dieudonné sont connus. De 1991 à 1997, il fait rire la France en duo avec son compère d’alors Elie Semoun. L’un de leurs sketchs emblématiques est celui de « Cohen et Bokassa » dans lequel les deux humoristes se moquent de la haine communautaire. Extrait choisi : Elie « Cohen » à Dieudonné « Bokassa » : – « ça marche les allocations, ça paie les bananes ? Enfin je me comprends. » -« Ah, faut pas dire ça Cohen. Ce que je comprends c’est qu’en 45, les boches ils auraient pu finir le travail. » A l’époque donc, Dieudonné en compagnie d’Elie s’en prend déjà à ce communautarisme contre lequel il affirme lutter aujourd’hui. Ce chemin politique qu’a emprunté l’humoriste l’a éloigné définitivement de son ancien acolyte (comme de tant d’autres). Elie Semoun déclarait récemment : « Il fait de la politique malheureusement… Et je dis malheureusement, car c’est un des mecs les plus drôles quand il ne fait qu’être artiste, mais s’il n’était pas antisémite, il serait… Enfin, il est très drôle, je ne sais pas pourquoi il a tout mélangé. ». Bonne question effectivement. Pourquoi Dieudonné est-il parti sur ce terrain où il y a si peu à gagner ?
Surenchère victimaire et anti-colonialisme
Son engagement politique remonte à loin puisqu’en 1997 déjà, Dieudonné se présente comme candidat aux législatives dans la deuxième circonscription d’Eure et Loir, à Dreux, contre la candidate FN Marie-France Stirbois. Il estime alors que le FN est le « cancer » de la société. En 2000, il envisage sans succès d’être candidat aux présidentielles de 2002. A la même époque, il pointe du doigt « un deux poids deux mesures » dans l’indemnisation des descendants des victimes de crimes historiques, enfourchant ce qui deviendra l’un de ses chevaux de bataille : le refus de la surenchère victimaire. Ce que Dieudonné dénonce c’est (entre autres), le peu de poids historique accordé à l’esclavage, en comparaison de la surabondance mémorielle autour de la shoah. De manière plus générale, l’artiste pointe du doigt le racisme bien-pensant dont sont encore victimes les noirs en France : « Les Noirs ne sont autorisés que dans quelques plages d’expression : le sport et l’humour… et on ne pourra jamais aller plus loin, avoir des responsabilités car les Noirs ne sont que des grands enfants, des clowns pour le Blanc esclavagiste, le capitaliste puissant » affirme-t-il à France-Soir, le 21 Mars 2000. Un discours qui n’est pas sans rappeler cette rime assassine du rappeur Booba, tirée de son morceau « Indépendants » : « Pour eux, si t’es black, d’une cité ou d’une baraque / T’iras pas loin, c’est vends du crack ou tire à 3 points ». Le problème étant que cette revendication légitime autour de la place des noirs en France prend rapidement la tournure d’un affrontement avec d’autres communautés, accusées de « tirer la couverture ».
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