Dossier complet sur l’histoire du duel FIFA VS PES : toi-même, tu sais !
Chers lecteur profane, toi qui n’a certainement rien compris à ces acronymes, ces sigles cabalistiques qui relèvent plus de l’hystérie collective que d’un blasphème anticlérical ou d’une saillie à connotation érotico-trash, je te dis tout de suite : FUIS ! Cet article n’est pas pour toi, tu n’y trouveras que frustration et incompréhension, car je parle là, d’une époque révolue, un âge d’or du jeu vidéo footballistique qui suscita tant d’émotions, et que seuls les joueurs du temps jadis peuvent comprendre.
Toi, Ami geek, nostalgique, grand enfant ou adulte attardé (que je suis), c’est bien à TOI que je m’adresse. Toi qui as vécu cette époque belliqueuse où la bataille faisait rage et entraînait des victimes collatérales, toi qui pestes absurdement contre un écran de télévision, toi qui as porté les couleurs d’un club, d’une institution, d’une obédience! Alors, tu comprendras les préceptes qui suivront, pire encore, tu te replongeras dans un bain de nostalgie, le cul posé sur ta chaise.
Mon but n’est pas de refaire une anthologie de l’histoire du football vidéo-ludique, non, car pour moi, mon expérience de joueur ne se résume qu’à une seule lutte fratricide entre les deux grandes écoles que sont Konami et EAsports et qui n’ont fait que se foutre sur la gueule pendant près de 20 ans, haussant d’un cran le niveau de réalisme de leurs séries respectives à chaque fin d’année. Je vais donc tenter de raconter mon vécu de joueur, comme le témoignage d’une époque révolue. Nostalgiques, sortez vos mouchoirs!
Au commencement, il y eut…
Plein de jeux nuls sur des consoles dont personne ne se souvient plus… Puis vint International Superstars Soccer (ISS) sur Super Nintendo. Avec un tel titre à rallonge, il lui fallait bien un acronyme, il fut donc renommé ISS pour les afficionados (Jikkyou World Soccer: Perfect Eleven en japonais). Autant dire que c’était franchement moche à l’époque, les joueurs couraient avec un balai enfoncé le fondement, les bruitages lors des tacles et des frappes étaient enregistrés à partir de ruban adhésif et de trombones, les bipèdes ne ressemblaient à rien et portaient des noms à la con (une marque de fabrique de la saga), et les joueurs qui n’étaient plus dans le champ d’action de l’écran avaient le QI d’un lemming. Le jeu était truffé de défauts, et le gameplay surréaliste, mais on surkiffait !!! Bien que personnellement, je n’avais pas un max de fun car n’arrivaient à marquer que des buts de raccroc (= tu frappes, le gardien relâche, tu refrappes, le gardien relâche… Tant de fois jusqu’au but), je me divertissais en collant des raclées avec l’Espagne à mes petits camarades de classe.
Attention, ça pique un peu les yeux.
Il faut dire qu’à l’époque on se contentait de peu (l’époque des goals volants à l’école, n’importe quoi…), mais malgré la perfectibilité du titre, il fallait bien avouer que le titre avait de la gueule avec ses couleurs chatoyantes, ses graphismes et son ambiance sonore immersifs (hormis les bruitages foireux mentionnés plus haut). On se plaisait à faire partie d’une équipe nationale composée de sombres inconnus, à s’exciter devant sa manette et insulter ce putain de goal qui paraît TOUTES nos maudites frappes, même en face à-face. Une première expérience vidéo-ludique de football pour beaucoup, ou du moins ceux qui avaient la chance de posséder la cultissime super Nintendo, ou d’avoir des potes riches.
Marrez-vous, mais à l’époque, il n’y avait pas de temps de chargement! Le petit lecteur de disquettes à droite permettait de jouer à des jeux pirates, ISS tenait sur 4 cartouches!
Vint ensuite ISS Deluxe que je considère davantage comme une version 1.5 qu’une véritable suite. Cet opus améliora franchement la qualité de jeu, et offrit davantage de combinaisons stratégiques (4-4-2, 4-3-3, 5-4-1, tous ces machins-là!), même si personnellement je n’y comprenais rien, car l’I.A était tellement mauvaise à l’époque que je soupçonnais Konami d’avoir mis tous ces schémas tactiques et formations bidons juste pour faire joli ( je me revois encore en train de pester contre mes potes qui passaient des heures sur la composition des équipes ! « Mais si, lui, je le mets en pointe, et tu vas voir comment il va te faire mal ! »). Un bon jeu qui défoule, de quoi réviser son vocabulaire fleuri pendant au moins quelques mois !
La 3D ou l’apologie du foot à la redneck.
Avec l’arrivée de la Playstation, le passage à la 3D ne se fit pas sans mal, difficile de recréer une maniabilité aussi intuitive que sur consoles 16-bit. Les programmateurs eurent alors deux chemins possibles : l’arcade et la simulation. La simulation était une voie risquée car la prise en main devait se faire rapidement sans pour autant que le moteur physique des joueurs ne s’attire les moqueries des puristes. Konami s’était bien lancé dans l’aventure en pondant un hybride entre ces deux genres, nommé ISS PRO 98. Le jeu restait gentillet mais ne révolutionnait pas le domaine (perso, je n’ai joué qu’à la démo de deux mi-temps de 2 minutes avec choix d’équipes réduites), les bruitages étaient toujours aussi navrants (à croire que les programmateurs n’ont jamais mis les pieds sur un terrain !), vite oublié donc. EASports, sans réel concurrent sérieux, en profita pour s’accaparer le monopole des simulations de football en sortant ces quelques bombes à l’époque : FIFA 97, et surtout FIFA 98 ! Avec les américains, il allait de soi qu’on allait en bouffer de la licence, les NBA, NHL, Madden, les PGA et autre Fight night, rien dans le domaine du sport n’échappait aux bras de l’ogre.
Voici la stratégie mise en place par le géant américain : tout sur la licence de la fédération ! Pour arriver à un nombre d’équipes affolant (173 équipes nationales + une quinzaine de championnats différents), il a fallu mettre les grands moyens en termes de recherche et de modélisation. Les joueurs n’étaient certes, pas vraiment reconnaissables ou carrément foirés (Anelka blanc !), mais les noms étaient tous là, et putain, mais quel choix ! L’ambiance sonore était exceptionnelle à l’époque et jouissait parfaitement des capacités CD des 32-bits, en fait, là ou FIFA s’est démarqué de ses concurrents, c’est par son côté « entertainment ». Un jeu extrêmement complet, une immersion quasi-instantanée, et des phases de jeu pêchues, une prise en main simplifiée au maximum, et une B.O à tomber. EASports avait compris que les gens jouaient au foot virtuel, non pas pour l’amour du sport, mais pour s’identifier à leurs idoles.
FIFA 98 : Bicyclette acrobatique à l’entrée de la surface à près de 3 mètres du sol. Laisse tomber, tu peux pas test.
C’est ainsi que EA croqua complétement la concurrence en ne laissant que des miettes aux poursuivants. Quelle éclate de brandir une ligue des champions après avoir éliminé le Barca, l’Inter, La Juv’, le Bayern avec une équipe comme l’AJ Auxerre ! Faire des reprises de volée-lucarne au point de corner, frapper des coups francs-barre rentrante avec son défenseur à 40 mètres, traverser entièrement le terrain avec Chilavert pour coller une mine au gardien d’en face, faire des tacles de PUTE en dernier def’ (les mêmes tacles qu’Olive et Tom, ceux que l’on entame déjà à 10 mètres de l’attaquant, et qui font frémir le gazon rien qu’avec la quantité d’air déplacée, transformant le terrain en piste de bobsleigh)! C’était ça FIFA, c’était Le foot-nawaouak ! Le jeu qui ne fait rien comprendre à ce sport mais qui pourtant le sacralise, l’érige au rang discipline culte. Il n’était pas rare de finir les matchs avec des scores fleuves de 23 à 20, ce n’était franchement pas ça… mais on s’en contentait, parce qu’entre nous, réaliser des coups du sombrero avec Zidane dans le stade d’Old Trafford, c’est quand même la grosse classe !
Ay Ay Ay ! Francia no Llores !
Voici donc comment EASports réussit à dénaturer le football et à s’approprier le marché… En soi-même, je ne critique pas les efforts louables de la compagnie pour avoir su retranscrire l’ambiance de l’univers friqué du foot, mais elle en a oublié l’essence même, le jeu, ne se concentrant que sur l’enrobage fait de paillettes et de gestes techniques. Pire encore, se croyant à l’abri de la concurrence grâce à sa mainmise sur les licences officielles (toutes raflées à coups de mégadollars), EASports n’eut pas l’intelligence de privilégier le développement graphique et ludique de ses titres, nous ressortant des suites de FIFA, copies conformes des moutures précédentes, à l’exception du fait que les mises à jour des effectifs et des clubs avaient été faites et quelques textures pixellisées, gommées (369 Fr le add-on, ça fait cher !).
Mais je compris finalement qu’EA nous prenait pour des cons (que nous sommes) lorsque l’éditeur prit l’initiative de sortir « Coupe du monde 98 », un foutage de gueule royal ! Un copier/coller exact de FIFA 98 avec des sponsors partout, partout dans le jeu (Bon, une B.O géniale, certes)! Heureusement que l’on ne payait pas les jeux à l’époque… (Les initiés comprendront). Et le pire dans tout cela, c’est que personne ne bronchait.
FIFA 98 : une gestion de l’I.A consternante mais des scènes de fouillis absolument cultes.
Le putsch
Puis un jour, un de mes potes lance un nouveau CD sur sa Playstation trafiquée. On ne comprend rien, le jeu est tout en japonais, je constate finalement qu’il s’agit de foot. La partie commence après 10 minutes de quiproquos (menus en japonais). Je prends la manette, et réflexe fifaien, je fonce avec mon attaquant de pointe, dans l’espoir de dribler sept joueurs puis d’humilier publiquement le gardien après avoir martelé comme un débile sur la touche magique (roulette, crochet, passements de jambes, tout y est), résultat, mon joueur s’empale imbécilement sur le premier rideau défensif. Pathétique. Les premières minutes ne ressemblent à rien, aucun de nous deux n’arrive à percer la défense de l’autre, et ce n’est qu’à de très rares occasions que l’on aperçoit le gardien adverse (souvent quand on confondu les boutons passe et shoot). Courir bêtement en espérant déborder l’adversaire ne sert à rien (hormis avec des bœufs comme Roberto Carlos, Roberto Larcos en VF), il faut user du sprint avec parcimonie, et chose nouvelle, l’animation du ballon est totalement désolidarisée du joueur. Mettre à l’amende un joueur adverse devient un apprentissage délicat, le respect du timing étant une condition sine qua none pour passer un défenseur, autant dire que les exploits individuels ne sont pas monnaie courante. Réflexe premier de survie, j’éteins ce jeu de merde qui me fout le seum, puis remets FIFA…
Et puis, je ne sais pourquoi, mais nous décidons de rallumer la Playstation pour s’essayer à une nouvelle partie (Winning eleven 4 ? quel nom à la con). Etonnamment, je me mets à réfléchir à un moyen de duper la défense au lieu de m’exciter, je cogite sur la tactique à adopter. Je fais des passes, et parfois même à une touche de balle… Le commentateur s’égosille, il n’y a pourtant pas de quoi vu la placidité de la partie. « Ils sont lents ces joueurs, ils sont bien animés mais qu’est-ce qu’ils sont lents » me dis-je… Et puis, ô miracle, grâce à un contre favorable, je me retrouve seul en duel face au goal, tout émoustillé pour cette occasion de but rarissime, j’appuie un bon coup sur carré, la jauge se remplit à fond, je transforme un essai, gros moment de solitude. Tout ça pour expliquer qu’en gros, j’ai dû persévérer durant au moins cinq matches pour coller mon premier but, mais quel but !
Konami avait répondu à FIFA de la plus belle des manières en pondant un jeu extrêmement léché, un travail d’orfèvre quasi-parfait pour l’époque (il avait d’ailleurs reçu la note mythique de 10/10 dans Joypad). Il fallait se prendre la tête à modifier tous les noms des joueurs dans les menus car l’éditeur ne possédait aucune licence (Ziderme, Cafou, Thurame, et j’en passe et des meilleures) mais la révolution était enfin en marche avec ISS pro evolution. Seule ombre au tableau, les bruitages étaient toujours aussi merdiques (Des bruits de pet en sourdine, au volume max).
Jamais compris cette manie de poser ses mains sur ses hanches et de ressembler à un con.
Le niveau de progression était immense pour l’époque, le bouton triangle permettait des passes en profondeur millimétrées que l’on distillait au compte-gouttes lors d’une contre-attaque, du jamais-vu encore ! Le jeu était tout simplement cultissime, des heures et des heures passées sur cet opus à terminer des matchs sur des 2-0 ; 2-1 ont permis d’affiner notre technique de jeu. Car le titre prend toute sa dimension en affinant son art, le niveau de progression se révélant incroyablement élevé, défendre un score devient une chose extrêmement prenante et stressante. Les joueurs avaient enfin un jeu de foot digne de ce nom ! Konami battait à plates coutures FIFA en proposant le summum de la simulation de football. Preuve en fut qu’une prise en main difficile n’est pas un facteur rédhibitoire au jeu, surtout si l’on jette un œil sur les chiffres de vente exponentiels de la saga ISS.
Ronaldo : les meilleures stats du jeu en vitesse de pointe, en drible et en puissance de frappe !
Peu après, le même pote chez qui je jouais, avait reçu la version japonaise du jeu qui allait en Europe, devenir ISS Pro Evolution 2. Ne me demandez pas comment, ce mec avait tous les jeux en avant-première, sans claquer une seule thune dans le domaine. Nous avions déjà commencé à faire le tour du premier opus, et il fallait l’avouer, ce jeu était une véritable tuerie, c’était le « un » corrigé de toutes ses merdes (inertie des joueurs, cubisme prononcé, stratagèmes perfides, anti-jeu de l’I.A). Nous tenions là le jeu parfait à plusieurs ou en solo (ligue master avec 2 divisions), avec un durée de vie pour ainsi dire, infinie. Nous nous éclations comme des fous sur ce jeu : des excès de colère (« Mais cadre, bordel ! Cadre, espèce de gaucher ! »), de la mauvaise foi (« Mais vas-y, ton Beckham, il a sa forme au max, c’est normal que toutes tes frappes rentrent ! Même les yeux fermés, je la mets dans ta lucarne si je veux ! »), des railleries (« Arrête de le nourrir ton défenseur, il est GROS, il court plus ! »), des coups de colère (« Fait chier !! C’est de la merde ton jeu à la con! Y a aucun réalisme ! ») et des gros cris de joie (« Yeahhhhh !!!! Ramasse tes dents, mon vieux ! »). Mais c’est un peu ça le foot, ce florilège de bons sentiments que l’on déclare entre amis comme les odes que l’on scande aux cyclistes qui dépassent par la droite.
Epilogue
Voilà ! Fin de mon expérience de gamer ISS, série qui deviendra par la suite PES (Comme Pro Evolution Soccer, ou les joies de l’occidentalisation stérile…). La série de Konami renversera même le géant EA des années durant sur les consoles next-gen (PS2 puis 3) s’appropriant de belles parts de marchés, et se parant de luxueuses licences (Enfin, les vrais noms ! des dizaines d’heures économisées, enfin une vie sociale !). Selon certains dires, FIFA aurait aujourd’hui nettement amélioré son gameplay dépassant même en réalisme et en fun son rival, la fin d’une époque… A titre perso, je n’ai pas réussi à suivre le train en marche et le boom des technologies, mais bon, en y pensant, claquer en tout 1000 € (Machine + jeu + deuxième manette + écran HD) pour jouer au foot virtuel, ça vaut pas forcément le coup, alors qu’à mon époque (oui, je radote), il suffisait de quelques CD vierges et d’un console trafiquée pour s’éclater sur tous les jeux souhaités (les spécialistes apprécieront).