Fonte des glaces, épuisement des ressources énergétiques ou encore clonage… Grâce à la géopolitique, placée au cœur des enseignements de l’ESC Grenoble (GEM), 40 étudiants de 3ème année du Programme Grande Ecole ont imaginé les conséquences de 9 scenarii de l’avenir du Monde.
« L’idée du cours d’Agenda Global International est d’anticiper et de comprendre l’ensemble des conséquences d’un changement radical de la situation internationale, dans le domaine politique, environnemental, énergétique ou social… » explique Jean-Marc Huissoud, professeur de Géopolitique à GEM. Nouveauté cette année : les 40 étudiants du module ont travaillé pendant 2 mois à partir d’un cadre méthodologique, d’informations diverses, de romans ou de films d’anticipation pour imaginer les conséquences de 9avenirs du monde. Voici leurs conclusions qui ne réjouiront pas tout le monde…
1) L’Epuisement des stocks de pêche est un enjeu majeur. Il impacte autant la capacité de certains pays à se nourrir (le Japon ou certains pays d’Afrique ne disposent pas de terres arables en suffisance) que l’écosystème planétaire. La chaîne alimentaire de nombreuses espèces serait impactée. Les océans pourraient se couvrir d’algues, de méduses et autres planctons, au grand désespoir du tourisme et des populations côtières. Cela aurait des effets amplificateurs sur les émissions de gaz à effet de serre. L’élevage n’est pas une solution soutenable, nécessitant une ponction importante de ressources pour l’alimentation des poissons. Seuls les quotas, l’interdiction de certaines techniques et les réserves halieutiques sont des réponses possibles.
2) A Vélo et sur Internet : la hausse du coût des matières premières rendra les voyages difficiles et coûteux mais la circulation de l’information sera toujours plus rapide. Les activités basées sur les déplacements péricliteront, et sans doute l’intérêt pour les régions lointaines disparaîtra aussi. Cependant, l’argent et l’information circuleront toujours. Cela favorisera la dissémination des connaissances techniques et des procédés industriels car le risque de concurrence des produits importés sera nul et que ces transferts seront la seule façon de se maintenir sur les marchés lointains. Accessoirement, les compétitions sportives mondiales seront devenues impossibles à organiser.
3) Une mini ère glaciaire en Europe (ou l’intensification des enjeux énergétiques) aurait des effets en profondeur sur l’économie et les infrastructures. Elle impliquerait une modification des productions agricoles, sans doute un déplacement de population des montagnes vers les plaines et du nord vers le sud, et une remise en cause de l’ensemble des systèmes techniques (comment refroidir des centrales nucléaires avec des fleuves gelés ou avec des fleuves dont le niveau aurait baissé substantiellement ?) A ceci s’ajouterait bien sûr une facture énergétique alourdie et des transports considérablement plus couteux.
4) L’augmentation du niveau des océans de 0,8 m au–dessus du niveau de la mer (ou la fonte des glaces) impacterait 50% de la population mondiale et ruinerait l’agriculture dans les grands deltas tout en modifiant considérablement le contour des continents et le niveau des fleuves. De grandes infrastructures seraient menacées et devraient être déménagées : Shanghaï, Hambourg, Marseille … 30 Etats seraient submergés et la géopolitique des ports serait bouleversée. Les littoraux seraient dégradés rapidement, et les eaux intérieures menacées de salinisation. Cependant la lenteur du phénomène permettrait une certaine adaptation.
5) Une guerre nucléaire au Moyen-Orient marquerait la neutralisation des gisements du secteur (soit 22% de la production mondiale et 80% des réserves). La fermeture du Canal de Suez pourrait entrainer l’impossibilité d’accéder à la Mecque et le maintien du Hadj, fondamentale pour les musulmans. Un profond choc psychologique secouerait les populations du Moyen Orient. Cela pourrait engendrer deux courants : une radicalisation extrême qui repousserait la modernité la jugeant responsable de la catastrophe ou un rejet de la radicalisation comme source idéologique de la catastrophe. L’Islam éclaterait, se concentrant sur deux pôles, l’un maghrébin, l’autre centre et est-asiatique. Le judaïsme comme le christianisme perdraient eux aussi leur foyer, Jérusalem, entrainant une remise en cause profonde de leurs fondamentaux.
6) Le retour de l’Isolationnisme américain, tel que le préconise Ron Paul par exemple, marquerait un recul économique chinois et asiatique (et du monde), un retour aux fondations de la nation américaine et une ré-industrialisation du pays (au prix de la chute de la plupart de ses multinationales). Cela marquerait également l’extinction progressive du flux de cerveaux vers les USA et le déclin des nouvelles technologies, largement dépendantes des apports intellectuels extérieurs. La Russie, la Chine, l’Inde et l’Europe se disputeraient le leadership face à ce nouvel ordre mondial, mais selon une approche sans doute moins « impériale ». A terme, les USA épuiseraient leurs ressources, notamment énergétiques, et seraient contraints de revenir sur une scène internationale désormais étrangère. En somme, les USA connaitraient des effets similaires à ceux de l’isolement de la Chine jusqu’au début du XXème siècle, sauf si la situation se dégradaient partout ailleurs, auquel cas ils resteraient peut-être un rêve d’immigrants.
7) Les Diamants ne sont pas éternels : l’épuisement des stocks de diamants devrait survenir dans une vingtaine d’année. Ce scenario marquerait le basculement vers d’autres pierres précieuses et un déplacement des centres de taille et de joaillerie au profit sans doute de l’Asie. Le mouvement est déjà commencé. Si le diamant a une forte valeur de thésaurisation en Chine et en Inde, la montée de ces marchés dans la pierre précieuse correspond à un glissement vers le saphir notamment comme pierre précieuse de prédilection. La raison est culturelle : le bleu de l’éternité remplace le blanc du deuil, dans le symbolisme asiatique des couleurs. L’industrie hors luxe serait peu impactée car le diamant de synthèse fournirait les besoins malgré un coût énergétique élevé. Cette évolution aurait aussi des conséquences sur le financement de certains états et d’organisations plus ou moins criminelles, déplaçant les enjeux des mafias.
7) La généralisation du clonage (génétique) : aurait de son côté des impacts sociétaux. Que ce soit :
par une conception de l’homme perfectible, réparable et customisable à volonté (clônage thérapeutique ou cellulaire), par la fabrication même d’êtres humains (choix des caractéristiques à la naissance, dans les limites de notre maitrise de la génétique),
voire par une fabrication de clones intégraux qui remettrait en question le rapport à la famille (Un clone ferait-il partie de la famille ? Pourrait-il hériter ?) et le système de croyances (le clonage interrogerait la non existence de l’âme). Cela pourrait même engendrer des mutations par une hyper spécialisation des Hommes (sélection de personnes physiquement fortes pour les travaux manuels, …) et accélérer la sélection des espèces « utiles » au détriment des autres. Cependant, le clonage pourrait également œuvrer à la sauvegarde des espèces.
9) La vieille Europe : la démographie européenne semble montrer que bientôt, elle pèsera moins lourd dans les décisions politiques et deviendra plus conservatrice. La population active raréfiée devra en partie être détournée des activités de production au profit des services aux personnes, ce qui ne pourra être compensé que par l’immigration. L’équilibre de l’Europe changerait suite aux inégalités grandissantes entre ses pays. L’Europe centrale deviendrait un désert relatif tandis que la France pèserait plus lourd. Le chômage serait sans doute résorbé, mais au coût d’un appauvrissement global du fait d’une population moins consommatrice, moins productrice et moins mobile, et des coûts induits. De nombreuses infrastructures et zones urbaines deviendraient surdimensionnées.
Informations : www.festivalgeopolitique.com.