Les pépites musicales (et tendancieuses) de Tonton Georges Brassens : Le bulletin de santé
Les enfants sont dégueu, c’est bien connu. Mais en plus d’être de véritables nids à microbes occupés à bouffer les trucs tombés par terre, ils ont le tort d’être nés au mauvais moment (2000-2010), si bien que leurs vieux (1970-1980) leur radotent durant toute la période de cohabitation qu’ils n’y connaissent que dalle à la vraie musique française.
Ces mêmes parents se vantent d’avoir connu Tryo, IAM, M, Wax Tailor mais oublient de signaler M. Pokora, Indochine, Laam, Larusso et Alliage (Baila, te quiero Amoooooor) ou Ménélik (reste cool, baby, sinon j’te dirais bye-bye). Genre « Yakalélo » c’est mieux que « Call me maybe », quoi !
En réalité, ces gens ne sont que des cons, puisqu’eux-mêmes ont été élevés par des cons plus âgés (1950-1960) qui étaient persuadés qu’ «Émile et Images » était le summum de ce qui se faisait en terme de classe… Le principe de la récurrence étant ce qu’il est, tout le monde est forcément amené à devenir con avec sa progéniture.
Toute cette intro pompeuse pour affirmer que le seul truc potable là-dedans c’est Georges Brassens, qui objectivement enterre tous ces nullos (ouais, ouais, meuf, ça c’est de l’objectivité!). Brassens, c’est l’Auvergnat, le Gorille, les copains d’abord mais NON, en réalité, c’est ordurier, c’est immoral, c’est sulfureux, c’est tellement MIEUX en fait ! Explication dans le texte.
Les potins d’abord.
1966, le bruit court que Georges Brassens, le gros comme l’appellent ses potes, souffre d’un mal incurable qui le ronge de l’intérieur, ces rumeurs sont bien entendu véhiculées par la presse à scandale, celle qui ramasse ses feuilles de chou à même les caniveaux. Petit cadeau de départ aux copains journalistes (parait-il). Un être digne et raisonnable n’aurait pas donné le moindre crédit à ces propos déplacés, mais le génie de Brassens est de manier la langue française avec une malice si subtile et si acerbe que les coups sont rendus au centuple à ceux qui pensaient manger sur sa bête. Si le propos ne choque pas l’individu, la diatribe généralisée contre une profession entière (la presse people) qui en résulte est simplement jubilatoire. Les écrivassiers en prennent pour leur grade, surtout quand les coups assénés tapent bien en dessous de la ceinture.
Not Safe for Work (NSFW)
Je m’avance et je crie toute la vérité.
Toute la vérité, messieurs, je vous la livre :
C’est la faute à Mimi, à Lisette, à Ninon,
Et bien d’autres, j’ai pas la mémoire des noms.
Si j’ai trahi les gros, les joufflus, les obèses,
C’est que je baise, que je baise, que je baise
Comme un bouc, un bélier, une bête, une brute,[…]
- Il est peu fréquent que G. Brassens se mette personnellement en scène dans ses chansons (hormis le cas de Stances à un cambrioleur, sorte d’apologie tarée du type qui venait de lui vider sa baraque), dans la plupart des récits où la première personne est employée, il incarne souvent un personnage impliqué dans une histoire ubuesque sans pour autant laisser entrevoir le moindre indice pouvant le trahir.
L’espièglerie de Brassens prend son envol dans ce passage, n’oubliant pas son légendaire sens de l’autodérision (Si j’ai trahi les gros, les joufflus, les obèses), il dévoile la honteuse réalité, sa perte de poids n’est due qu’à son activité sexuelle prolifique avec des femmes si nombreuses qu’il en oublie leur nom. L’utilisation du verbe baiser fait basculer la chanson dans la joyeuse balade scabreuse, Brassens est heureux de faire rougir les demoiselles aux oreilles trop chastes, il en ricane, preuve qu’il n’offre aucun crédit à tous ces ragots et répond avec une insolence infantile via des arguments extrêmement saugrenus et gaulois.
Au final, le sexe n’est-il pas un sport comme un autre ?
Entre autres fines fleurs, je compte, sur ma liste
Rose, un bon nombre de femmes de journalistes
Qui, me pensant fichu, mettent toute leur foi
À m’donner du bonheur une dernière fois.
C’est beau, c’est généreux, c’est grand, c’est magnifique !
Et, dans les positions les plus pornographiques,
Je leur rends les honneurs à fesses rabattues
Sur des tas de bouillons, des paquets d’invendus.
Et voilà ce qui fait que, quand vos légitimes
Montrent leurs fesse’ au peuple ainsi qu’à vos intimes,
On peut souvent y lire, imprimés à l’envers,
Les échos, les petits potins, les faits divers.
Là c’est du lourd! Le combo coup de genou/high kick/middle kick dans les parties génitales puis dans les dents, qui fait mal à l’orgueil professionnel et à celui logé dans les gonades. Un trois hit combo à la Sagat dans Street Fighter ne peut qu’être jouissif, décomposition de l’enchainement :
- Pendant que les journaleux écrivent leurs papiers, Brassens se tape leurs gonzesses (coup de genou dans les burnes)
- Sur des piles de canards invendus (mon talon dans tes chicos)
- Ces mêmes femmes qui semblent être de notoriété publique (re-coup dans les siamoises)
Voilà là le genre de compo qui n’existe que dans le but de faire rigoler les potes (et surtout son auteur). L’œuvre de Brassens est à l’image de ce morceau, simple, et fendard, bonne enfant et légère.
C’est l’épouse exaltée d’un rédacteur en chef
Qui m’incite à monter à l’assaut derechef.
Voilà là une bien belle réponse aux médias affabulateurs, une réponse digne de l’artiste, en légèreté et un brin de suffisance, manifestement une de ses chansons les plus insolentes de son répertoire, de celles que l’on ne compose que pour petit plaisir égoïste.
Bonus culture G. :
Hippocrate dit : “Oui, c’est des crêtes de coq”,
Et Gallien répond : “Non, c’est des gonocoques…”
Crêtes de coq : Lésions, boursouflures causées sur la verge par la syphilis, et ressemblantes à …des crêtes de gallinacé.
Gonocoque : Microbe de la blennorragie, ou chaude-pisse, maladie vénérienne qui, comme la syphilis, se traite aujourd’hui aux antibiotiques. On faisait autrefois des injections de mercure dans l’urètre.