Le Colorisme, ou comment être soi-même ne devrait pas être révolutionnaire quand on est Noir.
C’est avec beaucoup d’émotions et une certaine exaspération que je décide de coucher ces mots sur le papier. Je viens de regarder un documentaire du réseau OWN « Dark Girls ».
Il s’agit d’un film édifiant sur le « colorisme », qui pourrait être défini comme une forme de discrimination ou de ségrégation attribuable aux membres d’une même communauté « » ethnique » ». Ce phénomène selon les experts du film touche autant les noirs, les Asiatiques et les latino-américains. La particularité de cette tendance est que le modèle de référence est l’Occidental. Un des psychologues du documentaire disait par ailleurs qu’aucun mécanisme génétique naturel ne pousse à la discrimination raciale, c’est un concept politiquement et socialement acquis. On enseigne, on inculque ces mots.
En fait, en regardant ce film, je me suis remémorée certaines remarques, certains mots utilisés ici en occident pour me définir. Le fameux « tu es belle pour une Noire ! » que j’ai souvent entendu, ou encore, « » pour une noire tu t’exprimes plutôt bien » ». Assez déconcertant de se confronter à ces préjugés qui ont la vie dure. Mais avec le temps, j’ai compris qu’au-delà de la méchanceté se cachait beaucoup d’ignorance. J’ai réalisé qu’en partageant, en dialoguant, les autres et moi-même comprenions beaucoup de choses qui brisaient ces barrières.
Mais le choc est venu de ma terre mère. En tant que diasporiens on finit par devenir des étrangers partout, des gens un peu d’ici et un peu d’ailleurs. Je me souviens une conversation que j’ai eue avec des amis, car je voulais pour mon mariage, non pas la classique robe blanche, mais une robe en tissu-pagne, porter mes cheveux naturels, bref, faire ce qui selon moi serait naturel.
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque les mots qui fusaient de mes compatriotes furent « c’est archaïque ! » ou « tu viens du Canada soit un peu évoluée, montres que tu as voyagé ! »
Le complexe est profond : rejeter sa culture, son authenticité, sa nature est synonyme pour beaucoup d’évolution. Je suis consciente que bon nombre de personnes sont différentes, et que je ne dois aucunement généraliser, mais cela m’est réellement arrivé.
Paradoxalement, je n’ai jamais autant été consciente de mon identité avant de m’établir au Canada. Et, par la même occasion, je n’ai jamais autant ressenti, chez beaucoup, peu de fierté de nous-mêmes africains, avant de rentrer en tant que Diasporienne.
Le colorisme pousse au blanchissage de la peau, à dire à nos enfants qu’ils sont imparfaits, ou pire, comme le disait une mère dans le documentaire : « Pour faire évoluer notre race épouse un blanc ou encore mieux un homme à peau claire. »
Ceci est un véritable appel, un cri du Coeur. À mon avis, si nous ne dépassons pas ces barrières que nous-mêmes forgeons, nous créerons des générations d’enfants acculturés, sans estime de soi et qui seront dans une logique de mimétisme conditionne par ce qu’ils jugent beau, pur, propre, la couleur de la supériorité, de la réussite, comme on dit chez nous au Cameroun, « le teint commercial ».
La femme noire est responsable d’inculquer ces valeurs. Elle doit d’abord s’aimer elle-même pour que ces enfants s’aiment à leur tour.
L’homme noir est un modèle, il doit traiter ses filles, ses fils en rois… et pour ça il doit se réaliser et se réconcilier avec tous les démons qui font qu’il se sent au pied de la pyramide.
Des générations se lèvent, des gens parlent, des films comme Dark Girls, Good Hair se font. Des initiatives comme Inharitaince, Fro Foundation, Frobruary , le mouvement Nuul Kuuk au Sénégal. Je pense que les chaines se défont tranquillement, l’espoir est là.
Lien du documentaire :
Site web du film : http://officialdarkgirlsmovie.com
Cet article a été rédigé par Vanessa KANGA
Bio de Vanessa : Bouillon de cultures et une femme artiste, africaine et diasporienne.
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