Quelques semaines après son coup d’état, la junte composée de jeunes officiers issus de l’armée régulière malienne, a remis le pouvoir aux Civils. Chronologie d’une chute de l’État Malien.
Jeudi 22 mars Amadou Toumani Touré est renversé par un putsch. L’armée est en débâcle, le pays coupé en deux. Le nord est tombé dans les mains des combattants Touareg, au sud dans celle d’une poignée de jeunes officiers insatisfaits. Stupéfaction dans le sahel et le reste du continent : les insurgés Touaregs, considérés comme les meilleurs remparts contre Aqmi (Al Qaeda Maghreb), combattent aux cotés des islamistes. Après avoir subi l’un de leurs pires revers en Afrique, la communauté internationale reste muette et « impuissante ».
L’ancienne puissance coloniale, qui est la France, est paralysée. Surtout avec six ressortissants otages d’Aqmi. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter deux ans en arrière. Alors qu’ils multiplient attentats et enlèvements en Mauritanie voisin, et au Niger, les combattants d’Aqmi se montrent beaucoup plus discrets au Mali, ou ils semblaient jouir d’une étonnante liberté d’action. Grace aux rançons, ils ont amassé un trésor de guerre estimé à 50 millions d’euros, l’équivalent de l’aide annuelle française à Bamako. De quoi faire de nombreuses recrues et acheter des complicités dans l’un des pays les plus pauvres de la planète.
Selon Les officiers qui sont à l’origine de ce coup d’état, ils soupçonnent Amadou Toumani Touré, celui que l’on surnomme « ATT » d’avoir conclu une sorte de trêve avec l’organisation terroriste. Avait-il un autre choix, vu la connaissance de la faible capacité militaire du pays ? En 2010, ils en obtiennent une lettre écrite adressée au président malien, l’un des chefs d’Aqmi, Abou Zied, lui reproche d’avoir brisé le pacte de non-agression qu’ils ont passé.
Géopolitique désastreuse
Un pays vaste par sa superficie, frappée par la famine, la désertification et le chômage, le Mali est le maillon faible de la région du Sahel. Son président, usé par huit années de pouvoir, ne croyait pas au recours de la force. Il a jonglé entre Aqmi, les Touaregs, les chancelleries occidentales et ses puissants voisins, généraux algériens. Selon un de ses anciens conseillers spécial « il ne se fâche avec personne. A chaque crise, il arrosait les plus dangereux et parvenait à obtenir une paix précaire ».
Sa position devient rapidement intenable. En juillet 2010, à l’issue de trois mois de captivité, l’humanitaire français Michel Germaneau est assassiné par l’Aqmi selon les informations officielles. L’armée mauritanienne, avec l’aide de l’ancienne puissance coloniale, la France, pourchasse ses ravisseurs dans le nord du mali. Pour mener ses opérations, elle finit par installer un camp de 450 militaires sur le territoire de son voisin pendant tout un trimestre. Amadou Toumani Touré avait accepté du bout des lèvres de brèves incursions, se met en colère lorsqu’il découvre la présence des forces spéciales françaises, en appui aux mauritaniens, sur la base malienne de Mopti-sévare. Il exige aussitôt le rappel par Paris de ses 40 hommes présentés officiellement comme des accompagnateurs.
Les préceptes de la chute. En mars 2011, quand les premiers avions de l’otan décollent en direction de la Libye de Muammar Khadafi, Amadou Toumani Touré ne se fait plus d’illusions. Il sait que l’onde de choc de la guerre contre Muammar Khadafi se fera sentir dans tout le sahel, voir du continent. Depuis le palais présidentiel à Bamako, il alerte Paris. En vain. Un mois avant la chute du guide libyen, les Touaregs qui servaient dans la légion verte fuient à travers le désert avec armes et bagages, emmenés par un ex-colonel, Mohamad Ag Najim. De ce fait, Pourquoi l’Otan n’est-elle pas intervenue ? Le Niger parvient à désarmer ses propres vétérans revenus de Libye. Les maliens regagnent en revanche leurs terres sans encombre. Avec des intellectuels et des politiques, ils fondent le MNLA. Ceux-ci renverseront « ATT » plus tard. Paris pousse « ATT » à négocier avec les Touaregs, à respecter les accords de paix signés à Alger en 2006. Sans grand succès.
Les hommes « bleus » reprennent les armes le 17 janvier. Leur marche vers le sud se transforme en vague déferlante. Face à ses guerriers surarmés, les forces régulières, dépenaillées, peu motivées et surtout moins équipés, s’effondrent. Les miliciens Touaregs envoyés à leur rencontre par Bamako font défection. Les villes du nord sont prises l’une après l’autre. Humiliés, traumatisés par le massacre de quatre-vingts des leurs à l’arme blanche dans la garnison d’Aguelhok, les soldats maliens finissent par se retourner contre leurs dirigeants. Le 21 mars 2012, après une altercation avec le ministre de la défense, ils partent à l’assaut de la radio-télévision et, ne rencontrant aucun obstacle sur leur route, poussent jusqu’à la présidence. A 16h30 pétante, le ministre français de la coopération, Henri de Raincourt, appelle en urgence le président malien. Quelques minutes plus tard, il doit fuir sous les tirs d’obus.
En sommes, aujourd’hui la junte a passé le pouvoir aux civils. Contrairement à « ATT », la junte ne voulait pas dialoguer avec les rebelles. Mise au ban de la communauté internationale, soumise à un embargo total de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la junte s’est révélée incapable de freiner la progression des insurgés. Dans ce marasme, que devient la société civile ? Comment le nouveau gouvernement de Cheick Modibo keita sortira le mali de ce bourbier ? Autant de questions pour très peu de réponses.
Cet article a été rédigé par Jean-Joseph Agoua du blog jeanjosephagoua
Bio de Jean-Joseph : Responsable du think tank Générations Horizons. Journaliste Pigiste pour le Bouquet Africa. Jeune homme dans la vingtaine en quête de vérités! Mes écrits n’engagent que ma personne.
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