Le syndrome Amélie Poulain (Partie 1)

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Le syndrome Amélie Poulain (Partie 1)

L’autre jour alors que je roupillais peinard sur mon canap’ en matant Italie-Uruguay, mon amie Charlotte m’a appelé en panique pour me demander conseil sur ses histoires de cœur (Je crois que j’ai eu un level-up en charisme). Cette discussion était tellement poilante (enfin pour moi, car elle en revanche s’est sentie super conne…) que je me dis que cela pourrait être sympa de vous la faire partager pour que vous vous rigoliez un bon coup.

Amélie Poulain

Le contexte : Elle (appelons-la Bérangère) rencontre Il (appelons-le Raymond) au sein de la même boite en transports ferroviaires. Ils sont tous deux célibataires, ont vécu des histoires d’amour qui se sont mal terminées. Elle le trouve intéressant mais après une relation de 4 ans qui s’est terminée en bérézina, elle veut pour l’instant laisser ses ovaires en jachère pour un temps et se consacrer à la cuisine népalaise. Elle est de nature naïve mais cache trop ses émotions en société, ce qui la fait parfois passer pour un glaçon géant. Lui se montre très sympathique mais parfois insupportable en société en se comportant comme un clown, ce qui déplait clairement à Bérangère qui le préfère au naturel. L’excès de confiance en société cache généralement une carence induite en ce domaine.

Il y a rapprochement entre ces deux-là au cours de l’année mais tout reste de l’ordre de l’amical, pas de « tu me manques » ou bien « je pense à toi », Bérangère est plutôt bien dans son costume de nonne instruite. Un beau jour une de ses collègues évoque pernicieusement le fait que Raymond aurait de la suite dans les idées… Grand chamboulement dans la caboche de Bérangère, elle commence à le considérer différemment et ne sait pas trop ce qui lui arrive. Tout était bien agencé dans sa tête et là c’est devenu le massacre de Katyń, elle se dit que non, c’est pas possible, bordel !! Mais pourtant elle ressent un certain malaise à chacune de leurs rencontres, les rires n’ont plus le même éclat et les discussions ont une autre gravité. Elle fait désormais beaucoup plus gaffe à ce qu’elle lui dit, et ça la bouffe au quotidien de pas savoir quelles sont les véritables intentions de Raymond…

Le mec a un comportement incohérent, lui fait des très beaux cadeaux et la couvre d’attentions mais au téléphone, c’est zéro faveur. Il ne la calcule pas, et la laisse initier la relation téléphonique/épistolaire toute seule. Toujours. Il peut même rester un mois sans lui donner aucune nouvelle. Après plusieurs semaines à tourner autour du pot, Bérangère n’en peux plus de ce mec qui fout le dawa dans sa tête, elle avait rien demandé !!! Elle a perdu 3 kilos et s’énerve pour un rien sur sa stagiaire, merci RAYMOND !

Elle demande une rencontre.

Amélie Poulain

Le ressenti de Bérangère [entre crochets] : (NDASJ : en rouge, mon petit commentaire)

[Marre de ce con, mais pourquoi je me prends autant la tête pour lui? J’espère qu’il va enfin lâcher le morceau. Et putain, moi-même je ne sais pas comment j’vais réagir…]

[Je vais me la jouer fine durant ce resto (qu’il va payer bien entendu) et poser des petites questions détournées pour lui montrer ma détermination sans me compromettre]

  • B : « Ouais, mec, pourquoi tu m’écris jamais ? Pourquoi c’est toujours moi qui te contacte ? » (NDASJ : ouais c’est pas mal détourné, tellement détourné que ça n’a plus grand-chose à voir avec ce que tu voulais au départ.)

[L’enflure avec sa réponse évasive sur son aversion pour le téléphone, toussa…]

  • R (souriant): « Bah, moi tu sais rien de neuf depuis ces deux semaines. Ah si, j’ai rencontré une fille en boite, elle me plaisait bien alors je l’ai draguée et ça s’est plutôt bien passé, on n’a pas couché ensemble mais c’était une soirée super cool. »
  • B (inquiète): « Mais tu vas la revoir ? »
  • R : « Ah ah, non non elle ne m’intéresse pas plus que ça… Mais mais tu pleures ! »
  • B : « Non, je ne pleure pas ! »
  • R (insistant) : « Mais si pourtant, regarde ! (il la montre du doigt) »
  • B (sanglotant) : « Putain de merde ! Je te dis que je ne pleure pas ! »
  • R : « Bon, d’accord. »

[Quel enfoiré !! Me balancer ça comme ça à la gueule, et bordel, pourquoi est-ce que je mets à pleurer ? je m’en fous bien qu’il se tape d’autres meufs, c’est pas mon mec ! Et qu’est-ce qu’il me fait chier avec son insistance ! Oui je pleure ! Et alors ??? ]

Il s’installe à côté d’elle, colle son épaule contre la sienne et tente de passer son bras derrière la nuque de Bérangère. Un moment de flottement, et puis finalement il renonce.  

  • R : « Est-ce que tout va bien Bérangère ?  »
  • B (agacée) : « Oui, oui, c’est bon t’inquiète pas !»
  • R : « Tu veux qu’on aille chez moi pour continuer à discuter ? »
  • B : « Nan j’vais rentrer chez moi. »
  • R : « Mais il n’est que 9 heures ! »
  • B : « J’vais y aller. »

[J’ai vraiment passé une soirée merdique. Je suis crevée, je me suis foutue une de ces hontes et en plus ! Je repars bredouille les pensées encore plus emmêlées qu’à l’arrivée…]

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Le point de vue de Raymond [entre crochets] : (NDASJ : en rouge, mon petit commentaire)

[Waahhhhh elle veut me voir, et en tête à tête en plus ! Il faut que je gère ce soir car j’en ai marre de me palucher en pensant à elle. Ce soir, tu la ramènes chez toi, man ! Ou au moins tu lui roules un patin. T’as trop attendu en réalité, et t’as de la chance qu’elle soit endurante]

[Putain, je me chie dessus, comment j’vais faire pour chercher à connaître ses sentiments pour moi sans me mouiller ? Parce que franchement c’est une tombe cette meuf ! Et toi à faire le con depuis des mois pour ne pas montrer tes sentiments ? ]

[Oh merde, le reproche qu’elle me fait au sujet des sms, faut pas qu’elle grille qu’en réalité je meurs d’envie de l’appeler. Fais l’innocent bordel, le mec détaché. Bien joué ! ]

  • R : « Heum, oui ? quoi ? Comment ? Oh tu sais, le portable, c’est d’avantage une contrainte, je préfère rencontrer les gens en vrai, tu vois ? » (Interprétable comme un : « j’ai une life, moi ». Sur-interprétable comme un « On n’a pas les mêmes valeurs, meuf ». Sur-sur-interprétable comme « Je suis clairement au-dessus de tes aspirations plébéienne de petite merde insignifiante que tu es. ») 

[Elle cherche quoi là ? A me prendre en défaut ? Vite, change de sujet avant qu’elle ne te fasse ton procès. Allez, j’vais la prendre par les sentiments.]

  • R : « Donc, cette gonzesse ivre que j’ai rencontré en boite, et bla bla bla. Et patatra ! »

[B-I-N-G-O !!!! Ah ah ça y est, elle est jalouse !! Youpi, elle a donc des sentiments pour moi !! oh merde, elle pleure, elle est donc si fan de moi que ça ? Non mec, arrête de surkiffer, elle est sur les nerfs depuis des semaines, et à chaque fois que vous vous voyez ça lui fout le stress, c’est normal qu’à la première brèche, c’est toute la digue qui pète]

[Zut, je crois que lui ai vraiment fait de la peine. Vite, il faut faire quelque chose, me mettre à côté d’elle et la consoler avec des mots doux… Merde, je sais pas quoi dire… Vite mets ton bras au-dessus de ses épaules. Noooooonnnnnn !!!!! Enlève ta main, bordel !!! Ok non, mauvaise idée, elle va croire que je tente de la draguer alors que je viens de la casser. Jamais ! t’entends ? Jamais tu refais ça !! Jamais tu essayes quoi que ce soit avec une meuf chagrine ! Ta femme pleure ? Dans ce cas, tu fermes ta braguette et tu sors la boite de kleenex !]

[Merde, elle coopère pas, je comprends pas… ça va niquer l’ambiance de la soirée…  Fais-toi petit et rase les murs, s’il te plait… Vite, vite, une solution ! Déjà, commence par t’excuser, ce sera un bon début. Allez, j’lui propose d’aller à la maison, elle va le prendre comme une volonté de réconciliation. Nan, elle va te prendre pour un enfoiré qui veut abuser d’elle alors qu’elle est peinée]

[Oh merde, je me retrouve tout seul comme un con… Mais elle m’AIME ! Je suis sûr qu’elle m’aime, et la prochaine fois, c’est la bonne ! Oh oui, c’est sûr que ça part sur des bases tellement saines…]

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WHAT THE FUCK ???? 

Voilà des mois que ça dure. Et ça a mené à que dalle ! Bérangère n’a PLUS envie de revoir cette enflure qui lui a fait du mal, ou du moins pas tout de suite. Elle est en colère car même si il n’est pas un type méchant, il est là tout le temps dans sa tête. Bah oui, elle a des sentiments, et ça ne se contrôle pas…

Lui, est peut-être un bon gars mais il est vachement maladroit, et a la méga-flippe de se prendre un râteau. A tort ou à raison, hein ? Mais il fait du mal, et ne s’en rend pas compte car obsédé par ce que Bérangère cache dans son cœur, il piétine involontairement ses sentiments avec son comportement clairement faussement manipulateur.

Mais voilà, Bérangère et Raymond sont de la même graine, ce sont des timides (vocable fourre-tout, je le concède). Ils vont se chercher longtemps et tourner autour du pot pendant quelques temps jusqu’à que l’un des deux craque et se barre sans plus jamais donner de nouvelles. La situation est bloquée car voilà exactement la situation où ces deux profils sont clairement voués à une guerre de tranchées, éternelle. Des souffrances des deux côtés, alors qu’il ne s’est encore rien passé.

Définition

Le syndrome d’Amélie Poulain, c’est une inhibition exacerbée des sentiments que l’on exprime souvent dès l’adolescence mais que certaines personnes possèdent toujours à l’âge adulte. Une carapace dure comme l’adamantium dont on entoure son cœur pour ne pas le mettre en péril. Un peu comme le personnage du film éponyme, la personne se plie en quatre et prend tous les chemins possibles sauf celui qui même à ses fins, et même au moment où tout s’accélère et que l’être désiré se jette à l’eau, Amélie lui met une recale car il (elle) a paniqué… Il (elle) se couchera en hurlant MERDE, MAIS QUEL(LE) CON(NE) !!!!!!

 Pas de chance, ces deux-là en ont un (de syndrome), on en croise un peu partout, ils ne sont pas malheureux mais il leur manque un peu quelque chose pour s’épanouir. Une étincelle qui leur dirait : mais fonce, quoi ! Tu veux un truc, tu te bats pour l’avoir !

 Le conseil que le bon pote n’a pas donné : 

 La liberté d’agir n’a pas de prix,  il faut arrêter de sans cesse réfléchir aux conséquences de la moindre de ses actions. Quand on veut, on peut me répétait souvent Herman le mec qui servait des lentilles à la cantine, et ça c’est un adage sur lequel on peut compter dans tous domaines de la vie. Par exemple : cette meuf qui dit tout le temps que vous vous ne voyez pas assez, et qu’il faut organiser un truc alors qu’elle-même ne bouge jamais le petit doigt pour te rencontrer et se perd en excuses à chaque fois que tu l’invites, il faut la FUIR ! Ce n’est qu’une meuf paumée qui cherche à chier  son mal-être sur toi, et plus concrètement une perte de temps.

Se foutre à poil c’est certes la possibilité de se manger un râteau,  mais voici quelques avantages à se lancer dans l’audace:

  • Le soulagement : ça y est, tu lui as offert ton cœur. La poste l’a renvoyé à l’expéditeur avec la mention « n’a pas répondu ». S’ensuivit un bruit de porcelaine cassée, c’était ton cœur heurtant le carrelage… Et alors ? Au moins, tu sais qu’elle ne t’aime pas, et les prochains jours tu ne te lèveras pas en te demandant « Est-ce qu’elle m’aime ? », non tu vas déprimer quelques jours et après tu te sentiras libéré d’un poids, puis tu changeras de cible jusqu’à ce que tu y arrives. Les râteaux, on s’en remet forcément.
  • Le charme: on dit souvent que la chance sourit aux audacieux. On dira plutôt que c’est le culot qui permet de se distinguer car c’est une forme dissimulée de courage. En général, les gens enjoués sont beaucoup plus séduisants, on les sent plus épanouis, et sont plus spontanés dans la joie comme dans la tristesse. Et ce qui séduit en premier chez une personne, c’est ce qui l’anime au fond de son cœur.
  • La valeur des choses : on dit souvent qu’il faut expérimenter la perte d’une chose pour se rendre compte de sa réelle valeur. Poser son cœur sur un plateau, c’est le mettre en péril mais c’est aussi apprécier son importance, et lorsqu’on a pris tous les risques pour atteindre le bonheur, on ne le lâche plus lorsqu’un jour il pointe le bout de son nez, ce coquin !

Le conseil que le bon pote a donné :

J’ai conseillé Charlotte/Bérangère, je lui ai dit que ce mec, malgré ses procédés infâmes valait peut-être le coup, mais qu’il fallait déjà qu’elle se questionne sur ce qu’elle souhaitait elle-même. Le but étant de ne pas se positionner en fonction des critères de ce mec mais plutôt sur ce qu’elle cherche chez lui. Lui fallait-il prendre le taureau par les cornes (ou par un autre endroit ?) ou bien attendre qu’enfin ce mou du genou se décide enfin ? Il n’y a en réalité aucune solution quand deux Amélie se rencontrent, une vie entière pourrait s’écouler jusqu’à ce que l’un fasse le premier pas. Contre toute attente, je lui ai fait comprendre que la solution, elle seule l’avait, et qu’elle la trouverait en suivant ce que dit son cœur. Mais jusqu’à quand allait-elle tenir ?  

Malheureusement, Bérangère a magnifiquement merdé la suite.

Fin de la première partie.