Les papiers français

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Plus Jamais Peur.

Soyons honnêtes, jusqu’à un âge avancé je ne m’étais jamais senti français. J’ai pourtant bien essayé, mais à cause de mon faciès de métèque, on me renvoyait inlassablement à mes origines avec les sempiternelles questions du type : « Ah, et tu viens de ou ? ». Difficile de se fondre dans la masse… Je me demandais d’ailleurs ce que devaient ressentir mes compatriotes un peu plus « conformes ».

Proche des mouvements d’extrême gauche, j’ai toujours rejeté toute forme de fierté nationale, que j’associais mécaniquement aux mouvements d’extrême droite. Le drapeau français c’était le drapeau de la révolution que brandissaient toutes les engeances que je dénigrais : les racistes, les chauvins, les intolérants, les fanatiques.

Au fond, quelle fierté pouvais-je ressentir à encenser une nation qui m’en écartait au quotidien ?


Premiers coups de feu.

Le jour où les tarés ont commencé à tirer sur des journalistes, des flics, des juifs, puis dans la foule, j’ai pris conscience de ce que nous étions en train de perdre, ce fameux vivre ensemble, le droit de picoler n’importe où, et d’ouvrir sa gueule : cet amalgame de privilèges reliés par la tolérance.

Ce n’était pas la France qui était touchée, mais ses modes de vie « pervertis » qui ulcéraient tant les fanatiques à la ceinture de C4. J’entrai dans une colère noire, et me retenais en public pour ne pas que mes larmes ne débordent, ces fils de putes en tirant sur Charlie avaient mitraillé notre droit à la libre opinion. Ils s’en étaient pris à notre citoyenneté et au lot de libertés fondamentales que la société nous octroyait.

Dans un état de sidération, mon pote m’appela le jour de la fusillade : « Putain, mec, ils ont été butés pour avoir ouvert leur gueule… Tu imagines que toi, moi et tous les connards de notre espèce qui disent clairement ce qu’ils pensent pouvons nous faire buter juste pour ça…

Je fus ému quand je réalisai que nous étions plusieurs à partager le même trauma, nous étions plus de 4 millions à déferler dans les rues. C’était là la première fois que je ressentis en mon âme, une si belle vague de fraternité, cette marée humaine qui criait son patriotisme, ce n’était pas la France qui ostracisait, c’était celle de la compréhension.


Poursuivre : la plus belle des réponses.

Ma France à moi, c’est un refuge. Un abri de fortune où il faut se démerder, personne ne vous interdira de devenir qui vous voulez être.

Dans ce pays, j’ai le droit de penser comme je veux, de raconter les conneries que je veux, et d’être con, de me marrer comme un goret sur des blagues de beauf. J’ai la liberté de dessiner mon chemin de vie, mes goûts, mes avis politiques, mes opinions, de n’en faire qu’à ma tête, de choquer qui je veux, de décider qui aimer, qui aborder, qui railler, qui draguer.

La France, c’est un vaste territoire avec ses pâturages, ses montagnes, ses lieux-dits, ses habitants, ses fleuves, ses lacs, ses traditions, son histoire, cette diversité culturelle, ses fromages. C’est cet immense héritage d’illustres personnes qui nous ont inspirés pour notre plaisir et dans nos parcours de vie : les Hugo, Pennac, Brassens, Ferrat, Pennac, Jaurès, Levi, Zidane, Richard et cie, mais également nos pères, nos mères, nos, grands-mères, nos grands-pères, nos filles, nos fils, nos sœurs, nos frères, nos, cousins, nos copains, nos ex, et tutti quanti.

Voilà ma conception de la France : une terre où on peut s’éclipser du quotidien désenchanté pour profiter de précieux moments d’insouciance à rire, aimer, se balader, chanter, fumer, sautiller et danser avec ceux que l’on aime.

Notre liberté est une force, parce qu’elle est jalousée.
Notre mode de vie est une fierté, parce qu’il est dénigré.
Notre diversité est un pouvoir, parce qu’elle est jalousée.
Notre fraternité est un trésor, parce qu’elle menacée.

Nous sommes bien plus forts qu’eux.