Montréal est une ville aux mille couleurs et origines. Des gens de partout dans le monde y transitent depuis des lustres, certains y sont nés, d’autres y arrivent, mais un défi persiste, surtout pour les communautés culturelles et les minorités visibles : l’intégration.
Ainsi, le terme « minorité visible » vient de la loi sur l’équité en matière d’emploi. Selon Statistique Canada, ce terme désigne « toutes personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche. Il s’agit de chinois, de Sud-Asiatiques, de Noirs, de Philippins, de Latino-Américains, d’Asiatiques du Sud-Est, d’Arabes, d’Asiatiques occidentaux, de Japonais, de Coréens et d’autres minorités visibles et de minorités visibles multiples ». Cette définition est importante pour comprendre ce qui suit. En effet, je fais partie de cette catégorie. Née au Cameroun, arrivée au Québec en 2001, je suis arrivée en tant qu’étudiante et je suis sur le marché du travail depuis 7 ans. Rien n’a été facile, mais je pense que des choses sont encore à améliorer des deux côtés.
En ce qui concerne mon expérience personnelle, je peux dire que le processus d’immigration est à revoir autant pour les immigrants que pour le gouvernement. En ce qui concerne les immigrants, spécialement ceux venant des pays francophones d’Afrique, nous pensons, et on nous le fait bien croire, avoir un avantage naturel à être accepté au Québec parce que nous parlons français. Oui dans un sens, mais un élément nous fait faire fausse route : les Africains francophones ont, à mon avis, intériorisé un mode de fonctionnement très européen dans l’approche du marché du travail. En effet, comme nos camarades français, nous avons le réflexe de scinder la vie académique et la vie professionnelle. Quel parent camerounais, burkinabé, sénégalais, n’a pas dit à son fils ou sa fille : — Va d’abord à l’école, ensuite tu travailleras…
Or en Amérique du Nord, c’est une attitude qui nous désavantage. Car nos camarades québécois et canadiens en général travaillent depuis leur jeune âge, certains comme livreurs de journaux, d’autres comme serveurs au Macdonald… l’expérience de travail prime en Amérique du Nord. Nous avons la manie de penser que comme en Europe les diplômes nous ouvrent des portes. Non seulement même en Europe, avec la crise et le chômage, la concurrence est féroce, mais ici en plus de la concurrence, sans expérience, personne ne nous fait confiance ! À titre d’exemple, une fois mon DEC en Administration en poche, fraîchement sortie du cégep, je pensais me trouver un emploi d’été dans une banque facilement, car selon ce qu’on m’avait appris, le diplôme c’est ce qu’il faut pour travailler. Je me rends donc à mon entrevue et à ma grande surprise, la responsable des ressources humaines me rit au nez et me donne une réponse qui sur le coup me glaça le sang, mais qui m’a permis d’ouvrir les yeux : – je préfère embaucher une personne avec un secondaire 5, mais qui a déjà travaillé dans sa vie, que toi avec ton DEC sans aucune expérience pertinente.
De mon temps en plus, les étudiants étrangers n’avaient pas le droit de travailler ailleurs que sur le campus. Alors, ma leçon apprise, une fois à l’université j’ai travaillé sur le campus. La loi a changé pourtant, les étudiants peuvent travailler, mais je continue à voir des petits frères et sœurs qui se concentrent sur l’école et banalisent l’expérience de travail. Surtout que contrairement à l’Europe, le système scolaire universitaire permet une grande flexibilité au niveau des horaires, ce qui permet de cumuler emploi et études.
Par ailleurs, les autorités qui nous font miroiter l’immigration au Québec, valorisent le nombre d’années d’études accumulées, la langue française, mais oublient de nous parler de la sainte « expérience de travail au Québec » que tous les employeurs réclament, de la reconnaissance des diplômes qui est un chemin de croix et des ordres professionnels qui sont très hermétiques. L’immigration est un processus très difficile et pour l’améliorer, chacun doit faire sa part.
Pourquoi donc ce billet, qu’ai-je à apporter pour essayer d’améliorer les choses ? En fait depuis décembre 2011, je fais partie d’un comité consultatif auprès du Ministère du Conseil exécutif du Québec (Cabinet du premier ministre) qui est chargé de soumettre des recommandations aux ministères de l’Immigration, de l’Éducation et de l’Emploi, via le Secrétariat à la jeunesse sur la question de la diversité culturelle. Notre rôle est de recueillir dans nos milieux les difficultés des en matière d’intégration, d’emploi et d’éducation des jeunes (16-35 ans) des minorités culturelles et visibles, de discuter des solutions et suggestions avec eux et de les soumettre aux décideurs.
Par ce billet, j’invite donc toute personne intéressée à partager son expérience, ses plaintes, ses suggestions en matière d’intégration, d’emploi et d’éducation avec moi à m’écrire à l’adresse suivante : vanessa.kanga@gmail.com. Cela peut se faire sous forme de réunions si le nombre le permet, toutes les discussions sont anonymes, à moins de vouloir être cité, et l’objectif est d’avoir des témoignages véridiques et des critiques constructives envers les politiques en place. Je ne prétends pas changer le monde, mais si je peux partager mon expérience et celle de mes pairs pour favoriser une meilleure intégration, j’aurais atteint mon but.
L’objectif ultime est de fournir des recommandations pour développer une stratégie jeunesse de la diversité pour la prochaine Stratégie d’action Jeunesse des ministères qui débute en 2014. Alors, soyons actifs et mettons notre pierre à l’édifice.
Cet article a été rédigé par Vanessa KANGA
Bio de Vanessa : Bouillon de cultures et une femme artiste, africaine et diasporienne.
Suivez son actualité ici :
http://soundcloud.com/veeby