Ma douce, aurais-tu passé un accord avec Morphée ?
Je te croise souvent dans mes songes, qu’ils soient éveillés ou dans un doux duvet. Mais à chaque fois, je me réveille l’esprit embué dans un spleen sorti du néant, et je crois entrevoir l’espace d’un minime instant les rayons du bonheur à travers les gris rideaux de la mélancolie. Le regard vide, je reste prostré, assis sur le bord de mon lit comme si j’étais au chevet de ma propre conscience alitée. Sans motif apparent, ni excuse valable, mes paupières sont lourdes et laissent s’échapper des gouttes qui injustement terminent leur existence dans l’antichambre de mon indifférence. Ces larmes, dernier refuge de ma frustration sont balayées d’un revers de manche, et repartent vers l’endroit qui les a vu naître : le néant. Dans cette pièce plongée dans les ténèbres d’un matin pesant, pas une once d’espoir ne parvient à percer l’imperméable tristesse qui s’est proclamée maîtresse des lieux. Tu n’es plus qu’un souvenir, et je te refoule sans cesse, mais tu reviens à la charge, encore et encore, toujours au moment où l’on s’y attend le moins, au moment où l’on ferme les yeux le sourire aux lèvres. Puis évanescente, tu disparais de la même façon que tu es venue, c’est-à-dire inexplicablement. Tu es le fantôme de son souvenir que j’avais autrefois occulté, et pourtant je ne te vois pas, je en te sens pas, je ne t‘entends pas, je ne te goûte pas, mais tu es là ! Tu n’existes pas au présent car tu es intemporelle, puis-je néanmoins affirmer que tu n’appartiens qu’au passé ? Ou bien est-ce un futur proche qui se travestit à ses heures passées pour jouer au bilboquet avec mon cœur qui souffre encore et toujours ? Tu n’existes plus et pourtant, il y a des traces de ton existence un peu partout dans mon âme meurtrie qui sans cesse réclame ta présence, jamais repue de tes baisers fougueux de jouvencelle. Jadis, tu me fis boire jusqu’à la lie le calice de cette vie merveilleuse que tu m’as promise, mais le liquide, somptueux nectar, avait une fin et brusquement s’interrompit, me laissant à tout jamais dans le palais une soif qui jamais ne s’étanchera. Aujourd’hui je suis las de faire ce rêve si familier mais qui s’évanouit aussitôt que mon esprit s’éveille. Seules subsistent les sensations de la nuit passée à tes côtés. Je veux enfin l’inhumer au plus profond de mon inconscient, de sorte qu’elle ne puisse plus resurgir à la surface avant mon chant du cygne. Vaine espérance que ce dessein sans avenir puisqu’il n’y a pas besoin des yeux de Cassandre pour présager qu’à mon trépas, sur mes joues blêmes, couleront des ultimes perles qui, sublimées par les rayons d’un soleil couchant, à la manière d’un prisme, démultipliera vers l’infinie obscurité ce reflet. Le reflet de cette folie passionnelle qui fit rougir mon âtre quelques instants hélas, trop courts.
Pour une marguerite. Soir de pluie. 2008.