oCameroun de Popol Par Jean-Joseph Agoua
Le 5 décembre 1990, le président de la République du Cameroun Paul Biya, à la tête du pays depuis le 14 janvier 1984, fait ratifier une loi instaurant le multipartisme suite aux mouvements de démocratisation qui se mettait en place sur tout le continent.
La première élection présidentielle pluraliste en octobre 1992 était déjà entachée de fraude lors du premier tour du scrutin. Dans les bureaux de vote, le candidat du RDPC (Rassemblement démocratique du Peuple camerounais), Paul Biya, était donné perdant face au leader du parti SDF (social Démocratic Front) John fru Ndi, d’après les premières estimations. Finalement lors du deuxième tour, le président sortant est déclaré vainqueur et est réélu avec 39,9 % contre 35,9 % pour John Fru Ndi, entrainant du même coup des manifestations et des incidents dans les provinces de l’ouest du pays, majoritairement acquises à ce dernier. Ce mouvement s’est très vite estompé, encouragé par l’appel au calme de John fru Ndi qui aurait perçu des fonds de la part du pouvoir en place et une garantie d’obtention de sièges pour des membres de son parti au parlement. En somme, une réhabilitation dans le paysage politique camerounais a été offerte à celui qui était dans l’interdiction jadis de se présenter à quelconque élection sur le territoire.
Ce cas de figure marque le début de certaines pratiques qui vont enclencher le développement d’une politique clientéliste. Elle s’articule au niveau des hautes instances du pouvoir par des tractations pour des ministères a gros budget ou sur des projets gouvernementaux juteux, commençant à prendre ancrage dans le quotidien camerounais et par cela même, transformant le Cameroun en un des pays les plus corrompus de la planète. Comment les pratiques des dirigeants camerounais entraînent-elles la chute de l’État ?[1]
Prenant comme point de départ le thème des pratiques officielles qui se déploie « au vu et au su » de la population camerounaise, comme la gestion économique de l’État, les décrets ministériels ou encore le plan « Épervier », nous tenterons de démontrer en quoi ces pratiques constituent une forme de mise en scène organisée pour dissimuler des pratiques moins légales. En effet, le dicton « derrière l’arbre se cache la forêt » semble bien s’applique ici. Nous nous pencherons dans un deuxième temps sur les pratiques officieuses du gouvernement camerounais, qui assure le maintien d’une certaine domination et qui semble mener le Cameroun vers une démobilisation politique. Nous nous intéresserons plus précisément aux dons électoraux, à l’enrichissement personnel des ministres et hauts dignitaires du pouvoir et enfin au soutien que le président Paul Biya a reçus du parti majoritaire lorsqu’il a révisé la Constitution pour briguer un nouveau mandat lors des prochaines élections de 2011.
Les pratiques officielles
La gestion économique de l’État
« Nous n’irons plus chercher l’argent du FMI », s’est écrié le ministre de l’Économie et des Finances camerounaises Essimi Menye lors d’un point de presse, à l’annonce de la fin des conditionnalités des bailleurs de fonds internationaux. Or, malgré ces propos, le gouvernement camerounais s’est engagé dans une série de programmes de réformes économiques soutenus par la Banque Mondiale et le FMI. Le budget du Cameroun pour l’année 2009 est estimé à 2054 milliards de FCFA, sur lesquels 89 % seront ventilés sur les dépenses non pétrolières. Sur ces 89 %, selon les sources du ministère des Finances, ce budget consacre 59 % de ses ressources aux dépenses de fonctionnement de l administration, 26 % aux les dépenses d’investissements publics et 15 % au règlement de la dette publique. Remarquons maintenant que, dans ces dépenses de fonctionnement de l’administration publique, les dépenses « personnelles » vont passer de 510 milliards en 2008 à 624 milliards de FCFA en 2009, soit 26 % du budget total de l’État. En d’autres termes, il s’agit d’une part du budget qui à elle seule est supérieur à l’ensemble du budget annuel d’investissement public.
Cette catégorie du budget, nommée « dépenses personnelles », apparaît ainsi comme une catégorie floue, dans laquelle se cachent des dépenses variées. Déplacements du couple présidentiel, financements de l’anniversaire de la création du RDPC, paiement des frais scolaires des enfants du président dans des universités étrangères prestigieuses, frais médicaux de la famille et des proches des membres du gouvernement seront, entre autres, considérés comme appartenant à cette catégorie des « dépenses personnelles ». Il va sans dire que ces dépenses, financées par les contribuables, pourraient se voir contester leur qualificatif de « dépenses publiques » dans la mesure où elles semblent profiter presque exclusivement aux membres du gouvernement et à leurs proches et non aux Camerounais.
De plus, si la gestion et la répartition de 89 % du budget sont annoncées explicitement, la gestion des 11 % manquants n’est mentionnée nulle part dans les sources du ministère des Finances. Dans cette perspective, il semble que la gestion économique qui se veut claire et transparente dans ses publications présente des incohérences et des « zones grises ». Ces espaces mal définis dans le budget permettent au chef « suprême » Paul Biya et à son cabinet présidentiel de faire des décrets ministériels afin de promouvoir un membre de son parti, le RDPC.
Les décrets ministériels
Ces décrets ministériels sont promulgués par le secrétaire général à la présidence. Sous l’influence de Paul Biya, le cabinet du premier ministre nomme des membres du gouvernement souvent proche du président, ce qui suscite une vive attention dans le pays. Chaque habitant veut s’assurer qu’il y aura un membre de leurs ethnies qui fera partie du gouvernement afin qu’ils puissent par la suite, comme disent les Camerounais, « être dans l’équipe qui gagne ». En d’autres termes, l’enjeu est ici d’assurer des avantages à son groupe ethnique en étant représenté au niveau gouvernemental.
Une fois en place, les heureux élus ont tendance à développer deux types de pratiques qui minent le développement et l’épanouissement de l’État. Certains vont parvenir à négocier le prix des projets auxquels leur ministère doit contribuer avec les fournisseurs, ce qui implique bien souvent que ces projets ne pourront pas être de qualité égale à ce qu’ils auraient été si le plein prix avait été investi. Le résultat est sans surprise : l’élu peut arrondir généreusement sont salaire avec le bénéfice qu’il a fait, mais les infrastructures mises en places seront de moins grande qualité et devront sans aucun doute être remplacé rapidement. La logique du gain personnel à court terme semble primer sur une perspective de construction de l’État à long terme et sur un véritable projet de société.
Une autre pratique courante est la surévaluation des dépenses financière du ministère auquel l’élu est rattaché, pour obtenir un maximum d’argent du gouvernement. Comme ces budgets sont surévalués, l’élu pourra mettre la différence dans ses poches, en passant presque inaperçu. Or, comme il s’agit de pratique assez courante, où chacun tente de s’enrichir personnellement sur le dos des financements gouvernementaux en puisant directement dans les fonds ministériels, il va sans dire que les contre coups de ces pratiques commencent à se faire sentir et à fortement agacer la population. Ce mode de fonctionnement a affaibli le système budgétaire des ministères au point d’entrainer une vague de manifestations en février 2002. En réponse à ses manifestations et aux critiques issues de la communauté internationale, Paul Biya mit en place le plan « Épervier ».
Le plan « Épervier »
Le plan « Épervier » est un plan contre la corruption qui a été mis en place par la présidence afin de montrer à la scène nationale et internationale que le Cameroun pouvait combattre la corruption. Des ministres ou ex-ministres soupçonnés d’abus de biens sociaux sont jugés et incarcérés. Leurs enrichissements rapides ont souvent été mis en cause par des scandales médiatiques et le gouvernement était forcé de réagir. La récente arrestation de l’ex-secrétaire général à la présidence, Atangana Mebarra, dans le cadre de l’affaire Albatros est un bon exemple de l’articulation du plan « Épervier », qui est aujourd’hui nommé « Épervier 3 ». Mebarra avait été mandat d’acheter un avion neuf au président pour ses déplacements. Or, comme nous l’avons évoqué plus haut, il a préféré acheter un avion usager et de garder l’argent épargné de cette transaction pour son compte personnel, ce qui a failli couter la vie du président Paul Biya lors d’un récent voyage. Certains estiment que l’incident serait la conséquence de forts pots-de-vin qui auraient été versés à l’achat de l’avion. D’autres évoquent la thèse d’une tentative d’élimination physique de Paul Biya qui aurait été orchestrée par la « Génération 2011 », en référence aux proches du pouvoir actuel ne désirant pas le renouvellement de mandat de Paul Biya.
L’opération « Épervier », dès sa naissance et dans ses formes plus contemporaines, est une manière de donner plus de clarté et de transparence à la politique de Biya, mais peut sembler paradoxale. En effet, le président de la République a permis pendant des années a ses sbires ou a de hauts dignitaires du parti de s’enrichir en les hissant a des postes qui leurs permettaient d’accroître une influence considérable et d’instaurer une politique clientéliste dans le système politique camerounais. De plus, le plan « Épervier » ressemble davantage à une mise en scène sensationnaliste qu’à une véritable restructuration en profondeur des pratiques des ministres camerounais. Si on examine avec attention les ministres qui ont été jugés, il s’agissait de cinq ministres dont Biya souhaitait se débarrasser et cette opération était un excellent prétexte pour mener à bien ses intentions. Ils ont ainsi été remplacés par d’autres qui reproduisent le même système que le plan « Épervier » était supposé d’endiguer. Enfin, ce plan d’ajustement semblait en adéquation parfaite avec l’agenda électoral de Paul Biya. Force est de constater que le plan « Épervier » apparaît en 2002 et semblait de ce fait marquer le début de campagne électorale du président basée sur la « confiance » et la reconquête de l’opinion publique en prévision des élections présidentielles de 2004.
Si les pratiques officielles du gouvernement semblent insuffisantes pour assurer le développement et l’épanouissement de l’État camerounais, c’est aussi parce que leur déploiement est amputé par un ensemble de pratiques officieuses.
Les pratiques officieuses
Les dons électoraux
« Mangez, buvez et votez pour notre parti ! » : tel est le mot d’ordre du parti au pouvoir à l’approche d’élection majeure comme les élections présidentielles. Les dons électoraux consistent à marchander des voix auprès des militants réticents en échange de biens matériels, ce qui est communément appelé la « politique du ventre ». Elle prend souvent la forme de dons alimentaire, les politiques vont tour à tour offrir des aliments à la population pour les amener à voter pour eux. Beaucoup en profitent pour voler dans les caisses prévues à cet effet. Aussi, cette politique représente pour certains un véritable pillage des ressources de l’État. Bien plus, dans un contexte de compétition politique, où les politiciens sont face aux électeurs, la redistribution des ressources de l’État semble s’effectuer exclusivement à la tette du client électoral. II faut distinguer les pressions alimentaires des pressions de types ethniques, même si elles se complètent. Les pressions ethniques consistent quant à elles à demander aux électeurs de voter par « solidarité ethnique » pour leur frère, leur cousin ou encore un membre de leur ethnie qui est dans le parti.
Ce mode de fonctionnement est souvent utilisé pour promettre un poste important dans les hautes sphères de l’état ou encore la réalisation d’un projet de toute nature pour but d’avoir ses voix. Elle joue un rôle important dans les alliances politiques, car le parti au pouvoir a conscience du manque de logistique et surtout de moyens financiers de ses concurrents. Il est donc facile d’allier un opposant dans le régime. Cependant, quelques-uns des membres du parti peuvent prétendre s’exprimer au-delà de leurs intérêts individuels pour ce qu’ils estiment être de l’intérêt général. Ces dons confiés à des dignitaires des partis au pouvoir sont une vraie aubaine et une source d’enrichissement.
L’enrichissement personnel des membres du Comité central du RDPC
Le comité central est une institution à grande influence. Les décisions sont prises en conférence de section qui a trois organes, dont RDPC, OJRDPC, OFRDPC.
L’opération d’éclatement correspond aux exigences de la politique de proximité. Ce qui n’est pas le cas en réalité, on trouve des sous-sections composées de deux comités de base ce qui parait incohérent.
La faute a des présidents de sections qui sous prétexte mettent en pratique la politique de proximité, accentuant un dispositif de perpétuation du leadership. Ils réunissent les conférences non tous les six mois, comme le prévoient les statuts, mais quand bon leurs semble, et selon leurs intérêts du moment et son couvert par des hauts membres du comité central.
Le soutien de ces partisans lors de la révision de la Constitution en janvier 2009
Paul Biya souhaite la révision de certaines dispositions de la constitution, notamment l’article 6 alinéa 2 qui encadre la durée du mandat présidentiel à 7 ans renouvelables une fois. Le président camerounais a fait cette annonce dans son allocution du 31 décembre et se dédit, du coup, après s’être engagé il y a trois ans de ne pas y toucher. Il avait même renchéri dans une interview sur la chaîne de télévision française France 24 affirmant que le débat sur la constitution n’était pas une priorité. Si elle est anecdotique, c’est surtout parce qu’il est soutenu par ses hauts membres du parti qui souhaitent également conserver le pouvoir et tous les avantages que cela procure pour un nouveau mandat de 7 ans à partir de 2011. En effet, s’il obtient un soutien infaillible de son comité central et des anciens opposants maintenant dans le gouvernement, c’est qu’ils ont tout intérêt à conserver et à s’accrocher à leur « gagne-pain ».
Cette déclaration semble être une légitimation médiatique de la démarche entreprise par Grégoire Owona, Françoise Foning et Ferdinand Ndinda, cadres et haute personnalité charismatique selon les militants du parti au pouvoir qui réclament une révision de la constitution afin de permettre au président Biya de briguer un troisième mandat en 2011. Lors de son passage sur France 24, Paul Biya est resté énigmatique en déclarant :
« Le Cameroun a vraiment d’autres problèmes à résoudre que celui-là, mais je laisse ceux qui veulent ouvrir ce débat. Parce qu’il y a aussi des gens qui disent que, pour assurer la continuité, il faut que le président se représente. Je laisse le débat se dérouler, mais pour le moment, la constitution ne me permet pas un troisième mandat et je sais aussi que les constitutions ne sont pas faites pour changer, le peuple lui-même détermine ce qui est bon pour lui, alors nous sommes à l’écoute, mais je somme mes compatriotes de s’atteler à des tâches plus urgentes »
Le RDPC semble toujours déconnecté avec la réalité, dans cette mesure, il n’est pas très osé de comparer le Cameroun à un État organisé en Castes où certains auraient la vocation à faire des affaires. Alors que les cadres dirigeants sans dignité et ambitions du Rassemblement démocratique du peuple camerounais font des appels de pied à la reconduite sans condition de la candidature de Biya aux Presidentielles de 2011 afin d’assurer leurs survies politiques et financières, le Cameroun sombre dans une démobilisation politique sans précédent.
Retenons bien ici qu’un pays pauvre a surtout besoin d’investissements publics, afin de pouvoir faire démarrer son économie. Dominique Strauss Kahn, président du Fond Monetaire International (FMI), déclarait sur une chaine de télévision française :
« la croissance économique est la mère du bien-être social, car elle finit par bénéficier à toute la société ».
Cette phrase résume les fondations d’une société et semble avoir été comprise par de nombreux pays du contiennent africain. Le Cameroun ne semble pas en faire partie.
Nous constatons plutôt, comme il est de coutume chaque année depuis 27 ans, dans un Cameroun plus pauvre qu’en 1950, que le budget de Paul Biya consacre plus de la moitié de ses dotations pour financer le fonctionnement de son administration publique. Les pratiques officielles ne font que mettre en place un système de gérontocratie dont les actions s’apparentent plus à de la gesticulation superficielle qu’à restructuration en profondeur, comme le plan « Épervier » en témoigne. En effet, ce qui se veut être un système d’assainissement ne parvient pas a convaincre les élites politiques ni même ceux qui l’ont mis en place.
Les pratiques officieuses ne font que confirmer l’ingérence. On assiste à la faillite des dirigeants camerounais et responsabilités des pays occidentaux a ne pas émettre des pressions considérables sur les pays africains en crise de bien social aux populations qui est l’une des principales causes de l’immigration qui est un mal qui concerne tout le monde, occidentaux, et pays d’Afrique y compris. Communauté internationale doit faire pression sur les dirigeants camerounais en les contraignant à une bonne distribution des richesses nationales. De plus, les programmes à mettre en place doivent tenir compte des spécificités du Cameroun et des réalités locales. Exiger à ces dirigeants d’adopter des budgets réalistes, car une grande part de ces budgets vont à l’entretien des dirigeants et de leurs cours ; et seulement une portion insignifiante pour le développement. Une question demeure : comment prétendre développer un État si le budget alloué à l’Éducation ne dépasse pas les 8 % et celui de la recherche ne dépasse pas les 2 % ?
Cet article a été rédigé par Jean-Joseph Agoua du blog jeanjosephagoua
Bio de Jean-Joseph : Responsable du think tank Générations Horizons. Journaliste Pigiste pour le Bouquet Africa. Jeune homme dans la vingtaine en quête de vérités! Mes écrits n’engagent que ma personne.
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