Valentine Larici, étudiante en Anthropologie à l’UdeM et en Sciences des religions à l’UQAM a rencontré Bamba Diaw un artiste afro-folk.
Bamba, pourrais-tu, pour nos lecteurs, commencer par te présenter, et nous raconter tes débuts dans le milieu.
Et bien voilà, je m’appelle Bamba Diaw. Quand j’étais enfant, je vivais au Sénégal. Mon père, était un grand artiste, et très connu dans le milieu du théâtre. Très jeune c’est ces traces que je voulais suivre. Ma mère s’opposait à mon choix, car c’est un milieu et choix de vie difficile. De plus, au Sénégal ce sont les griots qui peuvent faire de la musique, et vue que je ne suis pas griot…
Excuse moi de t’interrompre, mais les “griots”? Est-ce comme un système de caste ?
Oui exactement, la société sénégalaise fonctionnait traditionnellement grâce à un système de caste. Comme je disais avant, les griots sont ceux qui font de la musique, divertissent et amusent la population. Puis nous trouvons des bijoutiers, des forgerons… Personnellement je fais partie de la caste des bijoutiers, et cette place au niveau de la société, ne me destinait pas au monde de la musique. C’est un autre facteur qui laissait ma mère perplexe. Malgré tout cela, la musique finit par prendre le dessus; et ma mère changea même d’avis quand elle vit la passion que j’avais pour la musique.
Pourrais-tu nous dire qui ont été tes influences musicales ? As-tu eu une formation musicale à proprement parlé ?
Très tôt j’ai commencé par interpréter, à ma manière, les chansons de Youssou N’dour, Yandé Codou, et Ndiagua Mbaye, un grand chanteur sénégalais. C’est grâce aux réinterprétations des chansons de mes idoles que j’ai été lancé dans le milieu. De nombreux amis m’appelaient pour me demander de venir chanter pour eux, et ainsi de suite. Par ailleurs, au Sénégal, l’on trouve sur le plan religieux, l’importante confrérie des Mourides. Les gens se rassemblent et récitent les versets, appelés les khasaïdes, écrit et chanté par Cheikh Ahmadou Bamba. C’est au sein de cette confrérie que j’ai beaucoup appris. L’on retrouve aussi les Bay-fall (qui sont aussi des mourides), qui errent dans la rue tous les jeudis soirs, et qui chantent jusqu’au bout de la nuit. C’est grâce à eux que j’ai pu développer ma technique. Je pense que ceci correspond bien à une définition de formation.
Cheikh Ahmadou Bamba. Tu portes le même nom…
Oui en effet j’ai le même nom, et je fais également partie de la confrérie du mouridisme. Cheikh Ahmadou Bamba était un guide spirituel très populaire et respecté au Sénégal, qui fonda, le Mouridisme au sein de l’Islam.
Merci pour la précision. J’en apprends des choses (rires)… Quel fut l’événement qui te propulsa dans le monde de la musique ?
Ça à commencé un peu au Sénégal, ou je me faisais inviter chez les gens et à des cérémonies, mais je ne savais pas comment faire pour être plus. Je ne savais pas comment écrire des chansons, etc. Je me posais de nombreuses questions, et il m’est paru évident que j’allais devoir travailler très dur pour réussir !
Je me suis lancé, j’ai commencé à écrire, j’ai rencontré des artistes… les compliments étaient nombreux et ça ma poussé à persévérer. J’ai une anecdote pour toi, une anecdote qui a une grande place dans ma carrière. J’ai rencontré un animateur sénégalais Jules Junior, lors d’une soirée sénégalaise, qui ne m’a pas lâché et a largement contribué à ma motivation. J’avais peur de faire le “premier” pas, et il m’a dit : “Réveille toi! N’attends pas d’avoir 35 ans pour chanter! Je ne te lâcherais pas!” Je lui dois beaucoup, comme je dois beaucoup également à mon guitariste Assane Seck. Il m’a beaucoup aidé à composer de la musique qui me correspondait : l’afro-folk.
Parlons un peu de tes textes. Malgré le fait que je ne parle pas le Wolof, les gens ont l’habitude de me dire que tes chansons sont toutes engagées, et que tu as de belles idées politiques. Peux-tu nous en dire plus ?
Oui en effet mes textes se veulent toujours un minimum engagé. Mon vécu prend une place importante dans l’écriture de mes textes. Tout ce que j’ai vécu dans mon pays me permet aujourd’hui de relater, de partager, de sensibiliser… Toutes les choses que j’ai vécues j’arrive enfin à en parler et le partager grâce à la musique.
Est ce que tes textes sensibilisent de la même manière, qu’il s’agisse de Montréal ou de Dakar ?
Je dois dire qu’au Sénégal, je n’étais pas très connu, mais les gens qui m’écoutaient (rires) venaient me demander après mes concerts d’où venaient les textes, et quand je leur disais qu’ils venaient de moi, ils étaient tous surpris et trouvaient ça très intéressant.
J’avoue quand même qu’au Sénégal je faisais encore beaucoup de recherche musicale. C’était quand même encore mes débuts. Depuis que je suis à Montréal, je continue d’écrire des textes engagés, et je pense que ce voyage m’a énormément appris et m’a permis de perfectionner mes textes. Je trouve que c’est très important de dire ce que l’on pense; attention mes idées n’engagent que moi. Évidemment j’utilise la musique avec beaucoup de respect : pour faire passer des messages, et non pas me venger de quelqu’un que je n’aime pas par exemple.
Est-ce que des associations font justement appel à toi pour cette humanité ?
Oui oui, il y a des gens qui ont des projets et qui font appel à moi, mais il n’est jamais arrivé qu’on me mette en tête d’affiche, par exemple. C’est plus comme une collaboration. Ils voient que j’ai des idées, qui les correspondent également, d’ou ma participation. Des fois aussi ils font appel à moi pour que je leur fasse de la pub, ce que je fais quand je trouve leurs idées honorables.
Dans le futur, j’aimerais faire partie intégrante d’une association; mais pour l’instant je me construis encore. Cependant comme je viens de le dire, dans le futur, si ma carrière me permet d’aider les autres, ça me ferait très plaisir.
Dans un futur lointain, si tu rentres au pays, penses-tu être comme la célébrité Wyclef-Jean? C’est-à-dire avoir une réelle implication politique?
Je ne sais pas. J’ai un amour profond pour mon pays, et je ferais tout pour lui… mais je ne sais pas, peut-être, on ne sait jamais. Même si la politique est un domaine que je ne connais pas, mais ne sait-on jamais. Quoi qu’il en soit je veux m’impliquer pour qu’il y ait du changement. J’ai écrit des chansons qui démontraient ma colère, et je suis même en train de tourner un clip pour pouvoir sensibiliser le plus de monde. En parlant de toucher le plus de monde possible, j’ai même commencé à écrire en anglais, puis des traductions qui accompagnent mes chansons, pour être sur que tout le monde comprenne.
Quels sont les événements qui vont composer votre été ?
Tranquillement. L’été c’est une saison plus facile, car il y a des festivals, plus d’opportunités dans les clubs. L’hiver c’est dur (rire), les gens n’ont pas le temps.
Vu qu’on parle d’hiver… pourquoi tu as choisi le Canada ?
Ahhh… Je n’ai pas choisi le Canada, je pense que c’est le Canada qui m’a choisi. Jamais je n’aurais pensé un jour venir ici, mon rêve c’était les États-Unis. Puis un jour j’ai rencontré une Québécoise, nous sommes tombés amoureux et donc je suis venu avec elle. J’aime ce pays, qui m’a donné beaucoup d’opportunités.
Pour l’instant tu ne vis pas encore de ta musique. Que fais-tu pour joindre les deux bouts?
Je travaille dans la construction, plus précisément dans les portes-fenêtres. Ça fait 10 ans que je suis là-dedans, et ça va. Ça me permet de survivre et de financer le train de vie de ma famille.
Je pense avoir fait le tour, mais est ce qu’il y a des choses que tu n’as pas pu dire et qui te tiennent à cœur ?
Oui… j’aimerais que ma musique soit accessible à tous, qu’elle vienne chercher les gens, même si l’on ne comprend pas forcément les paroles. Je souhaite que les sonorités émeuvent les gens. Je ne veux pas que ce soit vu uniquement comme de la musique africaine, et c’est pour cela que je mélange avec des styles plus occidentaux : du folk, du jazz, du swing, acoustique, sans oublier le mbalax. Le style musical de Youssou N’Dour, quelqu’un que j’admire beaucoup, comme je te l’ai dit avant.
Voilà, je pense, que c’est tout…
Et bien merci beaucoup beaucoup Bamba de ton temps, et d’avoir partagé tout ça avec AfrokanLife. Nous te souhaitons que du bonheur!
Cet article a été rédigé par Valentine Malaïka Larici.
Bio de Valentine : Étudiante en Anthropologie à L’UDEM, et en Sciences des religions à l’UQAM. “Rien ne me rend plus heureuse que de voyager, découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles saveurs… Bonne lecture et garder en tête l’ouverture l’esprit et la tolerance !”