Cet article a été initialement publié sur le site web DTBH : http://blog.dbth.fr/2014/12/musique-digitale-mobilite-technologie-musicale-entrepreneuriat-en-afrique/
Il y a quelques jours, j’ai reçu un communiqué m’annonçant que Universal Music France s’implantait en Afrique francophone. Ce qui n’est pas à franchement parler une nouvelle, cela fait plusieurs mois que l’on sait qu’Universal Music (France) se lançait sur l’Afrique, notamment en ouvrant des bureaux à Dakar et à Abidjan. Pascal Nègre avait aussi évoqué cette piste lors du dernier Midem en janvier 2013.
C’est dans ce contexte qu’Universal Music avait aussi lancé son premier talent show, Island Africa Talent, coproduit avec Canal+ (tous deux du groupe Vivendi) et diffusée par la nouvelle chaîne A+, lancée en octobre. Island Africa Talent a été réalisée avec un budget de 4 millions d’euros, après sept émissions de casting dans douze pays d’Afrique francophone. L’investissement a été partagé par A+, Universal, Code Films et les sponsors Airtel Africa et Unilever.
La question ici est celle du business model mais aussi de l’export. Comment Universal compte gagner de l’argent? On est loin des batailles sur les droits ou sur les pleurnicheries du streaming. Sans compter que l’industrie musicale sur place n’est pas du tout homogène. Certains pays commencent à être très structuré et d’autres ont encore beaucoup de chemin et comment Universal pourra aider les artistes qu’ils signent à s’exporter. 54 pays en Afrique, mais quid ensuite du reste du monde?
L’implantation dans ces nouveaux marchés ne se fera pas en transposant tels quels les modèles américain ou européen. Et notamment sur la musique digitale qui est l’un des moteurs de l’augmentation des souscriptions aux abonnements téléphoniques en Afrique.
L’Agence DBTH travaille de plus en plus sur le continent africain, avec des artistes, comme sur la stratégie de plateformes, comme sur le développement d’applications mobile. Nous travaillons avec des plates formes de streaming/telechargement/distribution, toutes à vocation Panafricaine. Nous avançons aussi avec France Média Monde (RFI) sur un concours d’application web au sens large basé sur la santé, sur toute l’Afrique francophone subsaharienne, et je suis mentor au sein de VC4Africa. Dans ce cadre, nous avons l’opportunité de travailler avec un grand nombre de partenaires sur place, incubateurs, entrepreneurs, artistes, agences et plateformes, ce qui nous ont conduit à un certain nombre de constats.
D’après la nouvelle étude de Balancing Act publiée en novembre 2014, peu de personnes le savent, mais il existe maintenant plus de 100 plateformes de téléchargement légales dédiées à l’Afrique, proposant streaming et téléchargement, sans compter les webradios et les sonneries de téléphone.
Quelques-unes de ces plateformes ont conclu des partenariats avec différents géants dont les opérateurs téléphoniques tels que Orange, MTN, Vodacom, Safaricom et Airtel. Pour les opérateurs africains, mettre en avant ces services est devenu un véritable avantage compétitif, et fournissant encore une raison pour les clients d’acheter les services internet proposés. Les analystes de « Balancing Act », qui suivent le développement de ce segment depuis 2008, considèrent que ce marché est mûr pour les opérateurs téléphoniques pour lancer ces services.
La musique africaine a une grande histoire, transmise d’une génération à une autre oralement. Elle est très ancienne, riche et diversifiée, et chaque région et pays possède ses propres caractéristiques musicales. C’est de cette musique qu’ont découlé les styles actuels : le blues, jazz, rock, reggae, soul, funk, pop, coupé et beaucoup d’autres, sans compter le rap.
Mais à cause de l’accès limité aux réseaux internationaux de distribution musicale, peu de personnes en Afrique et en dehors du continent peuvent accéder à la musique contemporaine africaine (et ne parlons même pas de la monétisation). Et Aujourd’hui, les informations concernant la musique africaine sont souvent difficiles à trouver, dispersées sur le web, de manière aléatoire ou spécifique pour un seul pays donné. C’est la même chose pour la musique africaine. Seulement, quelques artistes africains s’en sortent. Mais c’est en train de changer avec l’émergence depuis ces deux dernières années des plateformes musicales dédiées aux artistes africains et disponible dans le monde entier. Ces plateformes constituent un nouveau canal de distribution pour la musique tout autour du monde.
Les réseaux de communication, le web et les terminaux numériques en Afrique sont l’épine dorsale des plateformes de musique à la demande, pouvant toucher un grand nombre de clients dans les années à venir. Ces plateformes musicales vont également aider les opérateurs à vendre plus d’abonnements internet à haut-débit en Afrique, rendant accessible aux gens l’utilisation d’autres services, comme des applications dites « vitales ».
Concernant l’accès aux technologies, la fibre, le déploiement de la Wi-Fi, 3G et Vsat peuvent déjà fournir certains de ces services. Depuis 2012 en Afrique, il y a déjà eu d’importants investissements dans la 4G et dans la LTE. Jusqu’à présent, dans son étude Balancing Act a compté 63 LTE – 4G projects dans 24 pays africains, la plupart dans des aires urbaines.
Sur l’utilisation de ces services numériques, Balancing Act estime qu’en Afrique se trouvent 10 millions d’utilisateurs réguliers en 2014, un chiffre qui pourrait être multiplié par 10 dans les 5 prochaines années.
Par exemple, lancé en octobre 2012 depuis le Nigéria, iROKING est le leader des players dans le secteur de la musique à la demande sur le continent. Son utilisation est montée en flèche, comptant aujourd’hui un million d’utilisateurs par mois tout autour du monde. iROKING est en compétition, mais également un partenaire de YouTube.
D’autres grands concurrents focalisés sur l’Afrique don’t Simfy Africa, Anghami, Afrinolly de “Fans Connect Online”, Spinlet, Truspot, Mziiki, Mdundo, BiGxGh, Pliby.com, The Keek (d’Universal Music), Yala et Waabeh. Mais peu de plateformes internationales comme Deezer, iTunes, Nokia Mix Radio, Rara, Rdio, Simfy et Vimeo utilisées sur le marché africain. Des rumeurs courent concernant un lancement de Spotify en Afrique du sud pour la fin 2014…Il y a des centaines de potentiels partenaires pour les plateformes de musique à la demande en Afrique. Par exemple, un nouveau concours panafricain de musique mobile est lancé par Trace Tv, Airtel et Mahindra Comviva
Néanmoins, à tout cela, il faut apporter quelques bémols. Sur place, du côté artistes, la situation est plus que difficile sur place. Tous cherchent à s’exporter en Europe et vers les Etats-Unis, voir à s’expatrier le plus rapidement possible.La gestion collective des droits d’auteur est inexistante, le système est beaucoup trop corrompu et les sommes éventuellement collectées ne sont véritablement ou tout le temps réparties.
Spinlet et Iroking sont en abus de position dominante et exploitent des catalogues dans une opacité totale. Beaucoup d’artistes signent avec eux et se retrouvent bloqués dans les deals. Il y a un marché, mais surtout pour les sociétés exploitant des services de musique, mais pour les artistes/auteurs/compositeurs/labels le système est beaucoup trop corrompu et le piratage trop important pour espérer gagner quoique ce soit.
Pour la plupart des gens sur place il est inconcevable de payer pour de la musique, et la plupart des artistes qui s’exportent et donc commercialisent leur musique via des services légaux sont très mal vus localement. Et localement le gros de l’activité passe par le live, quelques partenariats marques (comme pour Wiyaala avec Pepsi au Ghana).
D’autre part, on parle “du développement Africain”, de la “nouvelle révolution africaine” mais la région Afrique sub-saharienne obtient les pires scores à l’échelle mondiale en termes de niveau de difficulté à lancer une start-up, selon une étude réalisée par le Global Entrepreneurship Index (GEI) 2015, qui mesure l’écosystème entrepreneurial dans 130 pays.
Si l’entrepreneuriat est en pleine croissance à l’échelle mondiale et que les États-Unis sont en tête du classement, suivi du Canada, de l’Australie, de la Grande Bretagne et de la Suède dans le top 5, l’Afrique subsaharienne est en dernière position pendant que la RDC est…nulle part.
Dans la sous région, l’Afrique du Sud est la première nation africaine du classement et arrive en 52e position mondiale avec un score moyen de 40, suivi du Botswana (66e), de la Namibie (69e), du Nigeria (84e) et du Kenya (86e). Cinq pays africains font partie des 7 derniers, à savoir le Burundi (124e), l’Ethiopie (125e), le Tchad (126e), le Malawi (128e) et l’Ouganda (129e). Selon le rapport, le Sénégal (96e) est principalement handicapé par un manque de talents pour les Startups, alors que le Bénin(102e) et le Mali (113e) souffrent d’un manque de Networking.
D’après le rapport, le principal handicap de l’Afrique est son taux brut de scolarisation dans l’enseignement supérieur qui est le plus bas au monde et d’après le GEDI, ce taux est considéré comme une composante importante pour favoriser l’écosystème entrepreneurial. Il y a aussi pas mal d’autres critères à prendre en compte: comme le climat des affaires, le manque de connexion ou les difficulté de financement…
On a encore du chemin, mais objectifs: relier le nord et le sud, en permettant aussi à la diaspora d’être des veilleurs et relayeurs. Developper toutes possibilités d’accompagner et de developper les music/tech qui Nous osons croire que cette collaboration permettra un développement rapide et durable d’une nouvelle économie digitale sur le continent pour les acteurs de musique en Afrique.
NDLR: Si vous souhaitez en savoir plus sur l’étude de Balancing Act, c’est ICI. (Article non sponsorisé je précise mais on doit préciser tout maintenant…).
Cet article a été rédigé par Virginie Berger.
Bio de Virginie : Fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives, les technologies de contenu et les services innovants. Elle est aussi l’auteur du livre sur “Musique et stratégies numériques” publié à l’Irma. Sur
twitter: @virberg