Introverti(e),adj : Personne dont l’affectivité, les centres d’intérêts sont dirigés préférentiellement sur elle-même.
À la pause-café du matin, Marie-Christine bassine tout le monde avec les difficultés scolaires de son fils – cet empoté – et commence à critiquer ouvertement ces « bons à rien de fonctionnaires ». Le ton monte d’un cran et la bienséance agonise, puis ça coupe la parole et ça s’étripe pour avidement déposer son opinion sur la place publique. Adossé au seul mur porteur de la société, un homme est resté silencieux durant toute la rixe mais n’en a pas manqué une seule miette. Ce type est ce qu’on appelle un introverti (rien de sexuel). De la timidité et des amalgames. Dans le vocable commun, la timidité et l’introversion sont assimilées synonymes alors qu’il n’en est rien. Un timide peut très bien être extraverti, et un introverti déborder d’assurance. La nuance tient du fait qu’une personne timide se définit plutôt comme quelqu’un pour qui les interactions sociales provoquent inconfort et anxiété tandis que l’introverti, lui, dégage une préférence pour la solitude, l’écoute et l’observation plutôt qu’une volonté de se retrouver constamment au cœur des activités sociales. Dans le cas d’introvertis non timides, nous pouvons nous référer à l’exemple de ces grands dirigeants d’entreprise (comme Bill Gates entre autres) de nature très réservée (notamment sur leur vie privée) pourtant parfaitement confiants et détendus dans des réunions ou négociations à grands enjeux. Tout simplement car ils se foutent complètement de ce qu’on l’on pourrait penser d’eux.
De la surenchère du bruit.
De manière générale, l’attention est tournée vers celui qui est l’origine du bruit. Ainsi l’extraversion correspond au moyen le plus efficace pour se mettre en avant, signifier ses qualités et ses compétences, et qui sait, peut-être taper dans l’œil d’un recruteur ou d’un partenaire de vie ? Erigée au rang de culte, elle engendrera par la suite de nombreuses dérives dont l’exemple le plus évocateur est le réseau social. Prouesse technologique prometteuse mais noyée sous une marée d’interactions sociales limitées et versant dans le voyeurisme tacitement consenti. Voici la banalisation du show off. Inutile donc d’ajouter que de nos jours, l’introverti souffre d’une mauvaise étiquette, méconnaissance dont découle une certaine intolérance, voire une stigmatisation de celui qui se retrouve en retrait comme pourraient en attester l’émergence des programmes de développement personnel en entreprise ou le zèle de certains instituteurs obsédés par les classes participatives (ce n’est pas la méthode qui est critiquable ici, mais la finalité qu’en font certains).
L’introversion n’est pas défaut mais un trait de caractère.
De l’incompréhension et ses petits copains.
Pire encore, les introvertis sont calomnieusement qualifiés de taciturnes, autistes, exclus. Certains pensent qu’ils ne font aucun effort pour aller vers les autres car ils sont profondément misanthropes et naviguent bien au-dessus de la plèbe.
Egalement introverti moi-même, j’en conviens de cette petit expérience passée où je m’étais fait passer un savon mémorable par ma copine de l’époque pour m’être fait ostentatoirement chier dans une des fêtes de sa meilleure amie. Me voyant reproché de n’avoir pas fait bonne figure pour la circonstance, pire encore, de prendre plaisir à sciemment embarrasser nos hôtes de mon visage défiguré par l’ennui, je m’offusquai que l’on m’accuse ainsi de malveillance et qu’on en fasse un tel fromage (pseudo-opprobre à la con).
A contrario, il est tout de même peu aisé de décliner une invitation en expliquant qu’on préfère rester seul sans passer pour le renégat de service, voire pour un gros loser.
De la profondeur des relations.
Un autre trait de caractère des introvertis : ils privilégient l’interaction en tête-à-tête à celle en groupe. Pour une raison simple, ils prennent le temps de vraiment connaître les gens qui ils ont de l’intérêt ou qu’ils aiment, en se focalisant sur l’intériorité d’une personnalité et donc d’une relation, car ils vont vers qui les attire intrinsèquement. La qualité plutôt que la quantité donc, un petit cercle d’amis proches plutôt qu’un vaste réseau de connaissances.
De ce fait, la plupart ont en horreur les discussions mondaines et autres frivolités qui se conjuguent efficacement au pluriel. Mais parfois, ils n’auront pas le choix, comme se rendre à une soirée pour avoir le plaisir de retrouver un vieux pote et constater que cette joie est diluée dans la foule d’amis amassée ce soir-là autour de l’ami, et ressentir la frustration de devoir se le partager avec les autres (qu’on apprécie peu ou prou). L’introverti est très attaché à la notion « d’exclusivité ».
Du refus de parler pour ne rien dire.
Malheureusement pour le reste de la population, l’introverti ne possède que très peu d’aptitudes à combler les silences. S’il ne parle pas dans une discussion de table ce n’est pas parce qu’il n’ose pas c’est que soit il s’en fout, soit il n’a rien à dire sur le sujet. Parler pour parler ne l’intéresse pas plus que ça, il préfère se taire poliment. Le problème c’est que face à une personne incapable de saisir cette façon de penser, le malaise se créera inéluctablement, ou pire encore l’exaspération pourra s’installer à cause des relances intempestives du « bavard ».
De la nécessité de se retrouver tout seul.
Passer du temps seul ne signifie pas être seul. C’est juste qu’il arrive que l’on préfère rester chez soi un soir ou bien un week-end à mater une série ou lire un bon roman. Certaines activités dites « sociales » (cinéma, expos) s’apprécient parfois d’avantage en solo. Etre seul pour se réconcilier avec soi-même.
De la capacité de se dissimuler.
Le stéréotype de l’introverti mis à l’écart à la peau dure, mais il est surprenant de constater que des introvertis se dissimulent également chez des individus qu’on penserait au-dessus de tout soupçon. Beaucoup auraient mal à les démasquer car ils sont passés maîtres dans l’art du camouflage en se montrant plus directs et sociables qu’ils ne le sont réellement (un introverti sait reconnaître son semblable au premier coup d’œil).
Ce comportement, c’est ce que j’appelle familièrement le masque (ou bien le baratin.). Une sorte de bouclier mailles qu’il brandit en public pour se protéger. Si ces personnages paraissent proactifs dans la conversation, c’est pour habilement détourner l’attention des autres très loin des sujets qui les terrorisent au fond d’eux (les points sensibles). Ils se comportent comme des extravertis avec des inconnus mais pèsent minutieusement chacun de leurs mots, tandis que dans un cercle plus intime, ils ôtent leur armure pour se retrouver plus vulnérables.
Ils se remarquent toutefois chez ceux qui surjouent grossièrement ou martèlent sans cesse le même sentiment pour cacher cette profonde peine, créant une dualité interlope mais nécessaire (jovialité/tristesse, virilité/sensibilité, vanité/manque de confiance, etc…)
D’autres – faits plus rares – sont des véritables stratèges en manipulation de masse. Qui n’a jamais rencontré ce petit bout de femme aux airs si fragiles qu’on voudrait l’emporter sous son giron ? Elle, qui en réalité, d’un redoutable machiavélisme, trompe son monde en l’aiguillant vers des fausses pistes et le manger tout cru. Tout l’art du travestissement.
De l’écoute et autres forces.
Au fond, les introvertis sont justes des gens qui ne se laissent pas dévorer par la pression de la société, et veulent mener leur vie sans se faire remarquer. N’oublions pas que la grande force de celui qui parle peu, est d’observer, d’écouter et d’en apprendre beaucoup sur les autres. Alors, de grâce, n’attaquez pas gratuitement un introverti, il y a de fortes chances qu’il ait dans sa besace les armes pour vous bouffer tout cru.