Un tendre récit de mon intégration par parties (parte frui)
(Lire partie 1 ici et partie 2 ici)
Heureux qui comme Ulysse…
« L’amour vous prend aux cheveux », chanta Georges Brassens dans « Pénélope ». Elle nous surprend même à la racine. Elle fait son apparition quand on a terminé le deuil de l’enfance, débarque pour nous apprendre à vivre, c’est un peu comme essayer pour la première fois d’ouvrir les yeux sous l’eau.
La passion revêt parfois les contours d’une fille venue d’un pays lointain où la peau prend le teint du sable et la couleur de cheveux la mélopée du soleil, elle a les pupilles serties de topazes qui d’ordinaire n’ornent que les couronnes des rois phéniciens.
Certaines de ces filles scrutent avec un espoir parfois vain l’océan en espérant le retour d’un Ulysse de l’asphalte. Riches ou pauvres, claires ou foncées, pourvues de délicatesse roturière ou héritières de lignées déchues, elles offrent leurs charmes de vénus à ceux dont l’œil est tendre, et le cœur d’artichaut. Patientant dans leur citadelle d’infortune.
Parfois, elles vous restent dans l’esprit, indélébiles : une plage abandonnée de Normandie, un parfum de Provence, la ferveur populaire d’un estaminet, des bruits d’escarpins qui se perdent au loin sur le pavé parisien, des râles qui vous foudroient dans cette pièce plongée dans la pénombre, des Amoureux en vert, une crinière qui vous indique la direction du vent.
Les femmes vous prennent par la main et vous emmènent tellement loin comme un Albatros suivant docilement un chalutier. Aimer c’est avant tout voyager. Oui, quand on est amoureux, on n’oublie pas. On n’oublie jamais.
Dans les faits, ce sont les premières amourettes de collège qui vous plongent dans un état second, ponctué de symptômes conférant à la maladie de coeur, la seule dont on ne veut pas guérir. Mais parfois – c’est plus triste – les échecs de l’adolescence lapident le courage, ratonnent la confiance en soi ou pire, estropient l’amour-propre en vous laissant mort au champ d’honneur.
J’ai aimé. Une femme aux yeux d’un bleu profond, si profond que les clignements de ses yeux me faisaient l’effet d’un mistral s’abattant sur ma chétive personne. Elle était l’antithèse de ces cailloux de jais éternellement fixés à notre clan depuis la nuit des temps. Il faut croire qu’on aime ce qui nous oppose.
On cherche tout ce qui fait son passé, son présent et son futur. Au-delà des considérations ethniques, ce sont des couleurs et des formes qui se rencontrent, des sensibilités et des valeurs qui s’entortillent, des personnalités et des caractères qui s’affrontent, s’adonnent puis s’endorment paisiblement. Ce sont des mélanges étonnants. De nouvelles couleurs tantôt chaudes tantôt froides. Des plaisirs nouveaux des odeurs et des caresses inédites.
Le métissage était un cri de révolte. C’était la réconciliation entre les individualités de l’humanité. Mais c’était également défier les dieux, en convolant vers des noces interdites. Mais cela n’a pas de sens, toutes les rencontres sont en leur essence, une forme de métissage.
Mais la bonne volonté et l’ouverture d’esprit ne suffisent pas toujours, la différence peut être une force mais aussi une source de conflits. .
Julie Maroh avait raison, le bleu est une couleur chaude.